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¤Sommaire¤

Samedi 8 janvier 6 08 /01 /Jan 17:45

C’est comme si le temps s’était arrêté un instant alors que la terre continuait de tourner. Je n’avais jamais ressenti ce sentiment qui m’oppressait autant le cœur. Je n’entendais plus les cris, je ne voyais plus les flammes, je ne sentais plus l’odeur des cendres ni de la poudre. J’étais juste hypnotisé par cette scène, comme dans un rêve.

 

- Ma… tentait d’articuler Lillyan.

 

Il fut brusquement interrompu par une explosion derrière sa mère qui les obligea à redescendre de leur monticule de pierre brisées.

 

Mon père a si rapidement attrapé Cali par la taille que j’en ai été bluffé, nous reculions à notre tour et voilà qu’ils n’étaient plus qu’à un malheureux petit mètre. Il ne fallait pas plus de deux secondes pour que Lillyan et sa mère se retrouvent l’un contre l’autre, Cali serrant son fils comme si elle n’y croyait pas, tâtant son dos pour se persuader que c’était bien la réalité. Lillyan en revanche restait immobile, serrant sa mère aussi fort qu’il le pouvait, profitant du moindre petit contact, de la moindre fragrance parfumée de sa mère. J’avais l’impression que la chaleur qui se dégageait de leur étreinte atteignait mon cœur, ce fut une explosion de sentiment pour finir sur un pointe de nostalgie.

 

J’ai été si froid avec ma mère durant toute mon enfance, aujourd’hui je tuerais pour qu’elle m’étouffe d’amour.

 

- Il ne faut pas traîner. Nous dit brusquement mon père.

Distant, imperturbable et pourtant aussi touché que moi.

 

Je le regarde son profil, il observe la scène, tout comme moi. Je continue de le fixer et avoue durement qu’il n’a pas posé un seul regard sur moi, la dureté sur son visage me fait me sentir coupable, de quoi ? Je ne sais pas. J’ai l’impression que toute cette histoire a fait perdre à mon père le peu d’espoir qu’il avait en la vie, je ne veux même pas imaginer ce qu’il a pu endurer.

Le feu, les cris, le bruits des armes, les tremblements de terre, le bruit des combats me reviennent brusquement à l’oreille alors que Lillyan s’écarte de sa mère sans la quitter des yeux et sans lui lâcher la main. Ils partagent un sourire, mon père s’élance en courant et nous le suivons slalomant entre les corps des morts, les morceaux enflammés d’un toit. Quelques minutes plus tard, nous arrivons aux remparts de la ville, assaillis, le combat faisait rage, les armes s’entrechoquant nous passions presque inaperçu au milieu de cette effluve de rage et de sang. J’augmente la cadence pour arriver à hauteur de mon père, tant de questions et si peu de temps.

 

- Quel est ton plan ?

- Aucun ! J’espère être obligé de capituler ! Vous allez devoir vous mesurez à moi pour m’amocher au point de me faire partir !

- Impossible !

- Comment ça ?

- Nous perdons de l’aura, papa, tu ne le ressens pas ? Nos pouvoirs sont entrain de diminuer puisque nous n’avons pas encore réussi à communiquer avec le Dieu.

- Koryu, c’est ça ?

- Comment tu le sais ?

- Tu crois que je ne faisais que me battre pendant tout ce temps ? J’ai fait beaucoup de recherches.

- Tu n’as pas besoin que je t’explique alors. On pourrait même pas t’égratigner dans l’état où on se trouve…

Mon père jette un regard derrière nous.

 

Lillyan et sa mère nous suivent sans trop s’occuper de nous, je crois que la priorité de mon ami est de sauver sa mère de cette bataille mais aussi d’enfin pouvoir parler avec elle.

 

- Si ce n’est pas moi qui suis contraint de partir alors ça sera vous ! Lillyan devra se séparer à nouveau de sa mère.

Mon père s’arrête brusquement. Nous étions en plein cœur de la bataille, immobile je fixais mon père. Indécis.

 

C’était un choix difficile à faire. Zephilis nous a dit que nous étions aussi inoffensifs que des Voyageuses et malgré tout, je savais que je n’avais pas le choix, je préférais être au bord du coma plutôt que de devoir arracher sa mère à mon amant. Je ne l’avais jamais senti aussi heureux que depuis qu’il a croisé enfin son regard.

 

Sans attendre, à la vitesse de l’éclair j’élance quelques roches contre mon père qui les brise à mesure. Lillyan a réagi immédiatement en entraine sa mère au delà du combat et je voyais bien dans son regard qu’il était surpris et à la fois mécontent. Il veut aussi se battre. Mais au moment où il s’approche, je fais monter une racine devant lui, je lui demande de rester à l’écart mais surtout de protéger sa mère car elle reste fragile même si c’est une Joueuse de Feu. Il n’a pas d’autre choix que de me regarder, je laisse échapper un sourire en devinant très bien que j’allais passer un sale quart d’heure.

 

Je reviens sur mon père et y concentre toute mon attention, il retirait son épée du fourreaux, la regardait avant de jeter un regard sur moi. Son aura explosait autour de lui, il l’a contrôlait parfaitement, c’était une maîtrise que seul des années d’expériences puissent livrer. Je frissonnais d’excitation parce que j’allait affronter mon père, au meilleur de sa forme, je frissonnais aussi de terreur car je sentais mon cœur palpité dans ma poitrine non pas à cause de l’adrénaline, mais bien parce que l’utilisation de mon pouvoir m’avait essoufflé. Je ne tiendrais pas dix minutes.

 

Je redresse mes mains et me mets en position de combat, je sors l’épée derrière mon dos et ferme mon visage, j’avais répondu à son appel, mon aura malheureusement n’était pas au rendez vous. Maintenant que je suis unifié avec Koryu, il ne me sert à rien. Quelle ironie et quelle poisse !

 

Nous nous fixons et au moment décisif, à cette seconde où nos deux âmes avaient choisi en coordination, nous nous élançons l’un contre l’autre, plus rapides que la lumière, le bruit de lames faisant trembler cette petite île qu’est Pandore.

 

- ESPECE DE SALE GAMIN !!!!

 

Sans que je puisse savoir pourquoi, ni m’écarter, je vis à ma droite Zephilis me foncer dessus, coup de pied paré ! Je le reçus en pleine mâchoire et la puissance de sa frappe m’envoyait valser à une dizaine de mètre plus loin avec la vitesse d’un boulet de canon. Mon corps roulait sur le sol sur les derniers mètres et il s’arrêtait contre Lillyan qui avait réussit à ma récupérer à temps. Je crachais toute la terre que Zephilis m’avait fait avaler, mon cœur frappait contre ma poitrine. Une fois de plus, j’étais si faible.

 

- Te battre avec l’Amiral dans un tel état !!! MAIS CA VA PAS ? Tu veux réduire toutes tes chances de survis ou quoi ? Abruti ! Un soldat va encore, ils sont tellement faibles, mais tu dois savoir jauger les forces !

 

Mon père restait bouche bée, qui était cette femme agressive ? Pourquoi était elle à moitié nu ? Son regard se transformait rapidement, il fronçait les sourcils, Zephilis n’était pas seulement quelqu’un d’excentrique, elle était aussi d’une puissance incroyable.

 

- Qui êtes vous pour parler ainsi à mon fils ?

- Je suis son maître, mon nom est Zephilis, dit-elle sans aucune envie de se présenter, elle croisa son regard néanmoins et j’ai senti mon père frissonner.

 

- Vous êtes là pour nous barrer la route ? Demande à son tour Zephilis

- J’aimerai que ça soit l’inverse.

 

Il n’en dit pas plus et continuait de croiser le fer avec le maître Zephilis, que pouvait ils bien penser ? Je suis sûr que Zephilis avait compris ce que mon père voulait et ce qu’il faisait ici. Je me tourne vers Lillyan qui suivait la scène avec autant d’appréhension que moi, je tente de me relever en m’appuyant sur lui.

 

- Tout va bien Shin ?

- Ca va, ça aurait put être pire.

 

Je sens brusquement d’autre mains m’aider à me redresser, celles de Cali qui me tend un sourire magnifique. En croisant ses yeux je sens toute la chaleur maternelle qui m’enveloppe, je songe alors à ma mère.

 

- Où est- elle ? Je demande

- Hein ?

- Ma mère, où est-elle ? Dis je dans la panique

- Elle était dans le château mais quand elle a compris ce qui allait arriver elle a emmené toute la famille royale et m’a demandé d’attendre ton père. Je ne sais pas où elle est mais je suis sûr qu’ils sont tous en lieu sûr.

 

Ca ne me rassure absolument pas même si je sais que ma mère est quelqu’un de très fort et qu’aux côtés du roi elle pourra s’en sortir. Mes muscles restent crispés quand soudainement je sens une immense puissance se dégager à ma gauche. Je tourne lentement le visage sachant très bien à qui elle appartient, cependant je n’ai jamais senti une effluve d’aura si importante, elle nous picote la peau, nous coupe le souffle, l’air s’est réchauffé. Mes yeux s’écarquillent, je pouvais voir leur aura, je pouvais voir cette fumée jaillir de leur corps et danser autour d’eux comme des serpents.

 

Mon père et Zephilis allaient se battre, ils jaugeaient leur force, s’impressionnaient mutuellement et nous laissaient muet d’admiration. Les mots étaient de trop de toute façon, ils savaient autant l’un que l’autre que ce n’était qu’un coup monté et pourtant je savais qu’ils allaient se battre sérieusement, je pouvais le sentir rampé sur ma chair, leur envie de se frotter l’un à l’autre était trop palpable. Ni moi ni Lillyan ne pourront les arrêter mais en avions nous réellement envie ? Zephilis était la seule ici présente de pouvoir mettre en déroute mon père, je pourrais même dire qu’elle était l’être le plus fort sur cette île.

 

Alors que leurs auras nous envahissaient, en une fraction de seconde leurs corps avaient disparus, la mère de Lillyan regardait autour d’elle ne pouvant pas voir où ils avaient bien put passer. En revanche moi et Lillyan, nous les voyons très bien. Une fois de plus Zephilis tenait l’épée d’une seule main, elle narguait mon père. Je sentais la joie de mon père prendre le dessus, lui qui ne laissait rien transparaître il ne pouvait pas empêcher un sourire carnacié de trôner sur son visage. Leurs lames s’entrechoquaient avec une force indescriptible, l’onde de choc avait fait vibré l’air lui-même et tous les soldats vivants avaient jeter un œil sur ce qui se passait. La rapidité de leur corps laissaient perplexe certains tandis que d’autre n’arrivais même plus à les suivre. Un véritable spectacle.

 

Zephilis lance sa jambe en arrière mon père et contraint de s’écarter, il retombe sur le sol et glisse dessus tout en s’accrochant, une fois arrêter il repart à l’assaut, cette fois ci Zephilis tient l’épée à deux mains se faisant oppressé par la force de frappe de l’Amiral. Aucun d’eux n’avaient encore fait appel à leur pouvoir. Je n’avais jamais vu mon père invoquer les flammes et j’avais hâte. Zephilis allait le repousser dans ses derniers retranchements. Les attaques étaient de plus en plus impressionnant, le corps de Zephilis était plus imprévisible que les attaques de mon père, ils se tenaient tête. Seulement mon père avait cette faculté incroyable d’apprendre le rythme de l’adversaire, il savait ensuite deviner ses attaques. Contrairement à Zenon, Zephilis avait un rythme, je pouvais le fredonner mais j’aurai été incapable de deviner ses attaques. Lorsque ce rythme eut été enfin gravé dans l’esprit de l’Amiral, un sourire encore plus large s’est dessiné sur son visage et s’en était finit de Zephilis.

 

Il parait ses attaques, d’une simple main il avait arrêté le pieds droit de celle-ci, ses yeux s’écarquillaient, il sourit à nouveau et à son tour lui envoie un coup de poing en pleine mâchoire, elle allait s’écraser sur le sol mais il lui rattrape le bras et lui envoie cette fois un coup de pied gauche pour envoyer son corps rouler jusqu’aux soldats.

 

Fier, en digne Amiral il reste droit et la toise du regard, les autres soldats d’Agora l’acclame. Je ne peux m’empêcher d’être fier comme un poux en voyant que mon père n’a pas changer, il est toujours aussi impressionnant.

 

Je porte mon attention sur Zephilis un peu plus loin qui se redresse lentement, la tête rivé sur le sol je ne peux pas voir son visage quand brusquement elle éclate de rire, un rire effrayant. Son visage se redresse et elle regarde mon père avec un sourire défigurant son visage de sadisme.

 

- Merci Amiral. Cela faisait tellement longtemps que je n’avais pas rencontrer quelqu’un d’aussi fort. Allons y.

 

J’entends le bruit d’un verrous, j’ai comme l’impression qu’on avait réveillé une bête féroce. Elle revient à la charge presque en se téléportant et soulève de mur de sable sur son passage, le bras tendu vers le visage de mon père dans un cri de furie. Il s’écarte à la dernière seconde mais son visage a quand même été touché. Une trace de griffure sur sa joue gauche le surprend. Il passe une main fébrile sur la plaie. Zephilis déployait toute sa puissance, mon père devait en faire autant.

 

- Je suis honoré qu’un maître comme vous me trouve à sa hauteur. Je vais à mon tour vous montrez, ma gratitude.

 

Brusquement une flamme bleu entoure son épée, ses cheveux se soulève sous la puissance de l’aura qu’il déploie, Zephilis reste stoïque mais je sens qu’elle est encore plus heureuse. Il devenait enfin sérieux, elle allait s’amuser. Tout comme elle, ils reviennent à l’assaut l’un contre l’autre, le choque fut si puissant qu’un vent nous ballait ! Lillyan tient sa mère fermement pour ne pas qu’elle s’envole tandis que beaucoup de soldats tentent de se tenir à ce qui leur passe sous la main. Les mer devient tumultueuses, les nuages menacent d’envoyer sa fureur. Tous les éléments répondent à l’affrontement. Une sorte d’immense cratère s’est formé sous leur puissance, des flammes bleus explosent autour d’eux, Zephilis a le bras contre son visage et son épée devient rouge sous la chaleur des flammes de mon père. Elle les balaye d’un revers de main et charge à nouveau. J’entends ses chaînes scintillés lorsqu’une immense vague de plus de vingt mètre se soulève aux côtés de mon père. Nous restons stupéfait, qu’elle puissance !

 

Elle va pour s’écraser sur le faible corps de mon père mais il l’évite et glisse sur elle pour atteindre Zephilis qui se réjouissait trop vite. L’épée en avant il voulait l’embrocher mais d’un bon elle se retrouve sur l’épée, accroupit, comme un vautour sur sa branche. Elle fixe mon père le narguant à nouveau. Il retire vivement son épée, l’eau s’étend sur toute la ville et fracasse les remparts, éteignant les flammes et emportant les corps.

 

Essoufflés par leur danse endiablé, ils ne s’arrêtent pas, Zephilis charme quelque soldat qui viennent se battre à ses côtés, uniquement des soldats agoriens que mon père n’hésite pas à trancher. Effrayés les survivants tente de s’enfuir. Elle reste immobile seul au milieu des corps, mon père s’est arrêté.

 

J’ai l’impression que ce combat tourne à l’avantage de l’Amiral.

 

- Vous êtes fort Amiral, très fort. Je sais maintenant d’où Shin tient sa témérité. Mais vous avez perdu…

 

Le terre se met brusquement à trembler et les chaînes de Zephilis se soulève, elle ferme les yeux, la terre se fissure, une immense couler de lave forme un mur autour d’elle. Mon père se trouve prisonnier de son propre élément, je le sens paniqué légèrement. Elle laisse tomber la coulé de lave sur mon père dans un cri horrible, instinctivement je me lève pour aller le sauver mais Lillyan me tient par le poignet.

 

- Tu vas tout gâcher.

- Mais mon père !

 

La lave s’étend sur la plage et se déverse dans la mer qui bouillonne, elle se durcis. Aucune trace du corps de mon père, Zephilis garde pourtant le sourire.

 

- Tu croyais m’avoir avec mon propre élément ? C’est triste.

 

Assis à même le sol, l’épée planter devant ses pieds il se tient à son arme, le corps fumant, les habits en lambeaux et des plaies béantes le recouvre. Pourtant son visage rayonne comme si il ne ressentait pas la douleur. Il se redresse victorieux, Zephilis n’en est pas venue à bout et elle semble ravit.

 

- Très bien Amiral, si c’est comme ça que tu le prends.

 

Sa chaîne vibre à nouveau, elle ferme les yeux et les ouvre brusquement, mon père est immobile, stoïque il ne sait pas à quoi elle joue. Il tend alors son épée près à attaquer mais il s’arrête brusquement. Je ne comprends pas.

 

- Je…

 

Zephilis laisse échapper un rire et reprend son épée quand soudainement des flammes bleus enflamme sa lame. Je tombe des nues, elle a charmé l’esprit du pouvoir de mon père et le retourne maintenant contre lui, il se retrouve désarmé. Sans son pouvoir il n’est plus assez puissant pour la défier. Alors qu’elle allait repartir à l’attaque d’énormément bateaux s’échouent sur le plage entre eux, des bateaux qui regorgent puisqu’ils naviguaient dans les profondeurs. Je reconnais l’insigne sur la coque, ce sont des bateaux d’Eria. Le combat été terminé.

 

Mon père m’a lancé un regard d’affirmation, il devait partir avant que le roi ne sorte de son navire. Il devait garder sa crédibilité, il récupère une barque agorienne et s’enfuit comme un criminel regardant une dernière fois Zephilis qui lui sourit. Ils reprendront un jour ce combat. Voir mon père partir me serre le cœur mais c’était son plan, je pourrais à nouveau le serrer dans mes bras que lorsque l’Oracle sera tombé.

 

- Maître ! Hurle un soldat erianien

- Cet imbécile de Konrad m’a privé d’une magnifique victoire, dit elle en regardant le bateau

 

Je sais pourtant au fond de moi qu’elle est heureuse, je ne sais pas si c’est dut au combat ou dut au fait qu’elle allait revoir le roi d’Eria mais son sourire en dit long. Il n’avait plus rien d’effrayant, bien au contraire. Elle ferme les yeux et se laisse tomber sur le place, nous nous précipitons avec Lillyan. Elle n’était pas sortit indemne du combat, ses chaînes devaient l’empêcher de trop utiliser ses pouvoirs, en ne tenant pas compte de leur pouvoir elle a épuisé ses forces.

 

- Maître Zephilis. Des soldats se postent devant nous pendant que j’aidais Zephilis à s’asseoir

Lillyan tenait sa mère derrière lui.

- Konrad nous envoie pour vous aider. Eria a été attaqué en même temps que Pandore, le roi vous a déclaré comme officiellement la nouvelle reine d’Eria. Ils nous a chargé également de vous dire que…qu’il a entièrement confiance en vous et que vous réussirez à protéger le pays.

Zephilis fronce les sourcils.

- Pourquoi cet imbécile raconte de telles conneries ?

- Maître, s’avance un autre soldat plus jeune, le roi Konrad est mort.

 

Alors que je ne peux pas décrire le visage de Zephilis, ses chaines brillent à nouveau et disparaissent soudainement.

 

Par Danouch - Publié dans : Agora - Communauté : Auteurs Sadiques
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Samedi 8 janvier 6 08 /01 /Jan 17:42

Je ne parviens même plus à me tenir droit, accablé par la fatigue. Zephilis s’est montrée très exigeante, elle ne se contente pas d’une « simple » communication mais d’une véritable fusion, d’une fusion naturelle. Pour le coup, je partais avec un avantage certain depuis le temps que Koryu me jouait des tours, j’ai fini par le comprendre, m’adapter, me mouvoir avec lui.

 

Toutefois, le processus restait toujours aussi déroutant. Ce n’était pas aussi facile de parler avec Shin que de parler avec Koryu, et, je me livrais plus facilement au premier qu’au deuxième envers qui j’éprouvais une totale confiance. Je lui fis part de mes observations alors que nous regagnons notre couchette.

- Peut-être, malgré tout, serait-ce plus facile de communiquer avec Koryu en passant par les sentiments que nous éprouvons l’un pour l’autre.

- Que veux-tu dire ?

- Je ne sais pas mais voilà, nous n’avons aucun secret l’un pour l’autre, dès que tu as des ennuis ou des soucis, je le sens et vice versa.

- Oui, c’est vrai, c’est parce que nous nous connaissons depuis toujours… Koryu habite en nous depuis aussi longtemps mais nous ne sommes pas aussi intimes. Tu vois, moi, je ne le sens même plus, tu es beaucoup plus présent en moi que ne l’est Koryu.

- Moi, je le sens. Il est tapi au fond de mon cœur, logé dans mon cerveau, et la vue du sang l’excite, constaté-je mal à l’aise.

- C’est parce que le sang est un conducteur naturel pour les manipulateurs corporels.

- Mais ça veut dire que sans lui, je ne suis rien. Toi, tu es un fossoyeur de la terre, ton pouvoir basique n’est pas directement lié à lui. Moi, la maîtrise de la foudre, de l’air, du sang, de la télépathie, tout ça, c’est Koryu. Alors, ça veut dire que sans lui, je n’ai pas de pouvoir, que je suis né sans pouvoir propre…

- Non, je ne pense pas. Les habitant de Pandore sont des manipulateurs corporels et n’ont rien à voir avec Koryu.

- Ca voudrait dire que la manipulation corporelle n’est qu’un pouvoir normal et non pas divin ?

- Hein ? Et bien… Je ne sais pas… Peut-être… mais tu dis toi-même que la vue du sang l’excite…

- C’est peut-être autre chose…

- Attends, tu veux dire que tu serais encore plus puissant ? Que ton véritable pouvoir ne s’est pas éveillé alors que tu ne maîtrises pas entièrement ton pouvoir basique ?

- Je n’en sais rien…

- Zephilis l’aurait remarqué quand même… Je suis sûre qu’elle connaît la véritable nature de Koryu.

- Peut-être qu’elle l’aurait remarqué mais elle ne me l’aurait pas forcément dit. C’est quelque chose qui m’a toujours gêné… En même temps, je me sens en phase maintenant avec Koryu, on s’est accepté l’un l’autre et il aurait déjà manifesté son vrai pouvoir. J’ai quand même réveillé une armée de morts alors quand j’étais gosse et contrôler ton père.

- Mais c’est peut-être plus complexe qu’un manipulateur corporel alors… si la vue du sang l’excite, c’est peut-être simplement un stimuli. Regarde, si on réfléchit bien, les seules fois où tu étais vraiment hors de contrôle, c’est lorsque tu manipulais plusieurs hommes à la fois.

- Non, pas quand j’ai affronté ton père.

- Mais mon père vaut bien la puissance de cent hommes réunis.

- Et au camp d’Azéria, j’étais simplement hors de contrôle.

- Hum… C’est pas faux… Peut-être que c’est parce que tu n’as pas encore communiqué avec Koryu que ton véritable pouvoir ne s’est pas manifesté. Depuis la fusion, je n’ai provoqué aucune illusion.

- Oui mais au moins, tu connais ton pouvoir.

- Et bien, ce ne serait pas étonnant que tu nous réserves encore des surprises, mon cher et tendre… Tu n’as jamais été comme les autres.

- Ne t’en déplaise, le taquiné-je. Et puis, tu es pire que moi !

- Meilleur que toi, tu veux dire !

 

J’ouvre mes bras pour qu’il vienne s’y blottir. Ce fut dans un sommeil agité que je plongeais, empreint de doutes et d’angoisse quant à notre futur, ressentant un cruel besoin de réconfort. Je me sens toujours aussi mal à l’aise. Trop de questions se bousculent dans ma tête. Shin a-t-il raison ? Que voulait dire Zephilis en disant que nos pouvoirs diminuaient?

 

Cette inaction commençait à me peser et quand je réfléchis trop, je déprime, je rumine, mes idées me font voir le monde encore plus noir qu’il ne l’est. Nous avons accepté notre destin et l’entraînement en faisait partie intégrante mais à rester là comme ça, ça me tape sur les nerfs. J’ai besoin de me défouler ou je vais finir fou. Même si je me souvenais encore de la frousse incommensurable qui m’avait paralysé face à l’Oracle et Karl. En gros, je devenais de moins en moins patient et j’attendais avec impatience le retour sur la terre ferme même si ça signifiait devoir à nouveau se battre contre des gens d’Agora.

 

Le lendemain matin, je gagne le pont supérieur d’un pas lourd et peu motivé. Je me concentre sur mon amant, prenant tout de même au sérieux nos entraînements, et plongeai dans son regard. Même si nos pouvoirs diminuent et finissent par disparaître, tant que nous sommes ensembles, rien ne pourra nous ébranler. Après tout, tout ça est tellement impersonnel, abstrait ! Sauver le monde ? Mais le monde comptait des dizaines de millions d’habitants pour s’occuper de lui, Karl ou mon père sont bien plus qualifiés que deux amateurs inexpérimentés et c’était tellement facile de perdre pied pour me noyer dans son regard, je le connaissais tellement bien, la moindre parcelle de sa peau, ses points sensibles, ses doutes, ses peurs, ses points forts, sa puissance. Nous nous complétions, nous étions intimes, personnels.

 

Un cri d’alarme me déchire les oreilles et est immédiatement suivi d’un violent coup sur le crâne, ce qui me sort de ma léthargie. Zéphilis est folle de rage.

- Mais vous écoutez quand on vous parle ?!!!!! Je vous ai demandés de vous fondre dans la nature, pas l’un dans l’autre. Je viens de vous dire que la fusion de vos corps n’était pas nécessaire et vous foncez tête la première dans le piège !! Bande d’inconscients ! Vous tenez tant que ça à perdre votre personnalité ?!

- Mais il ne s’est rien passé, on n’a même pas eu de contact physique, remarqué-je tandis que Shin arbore un visage grave.

- Pas de ça avec moi, gamin ! A force de vous côtoyer, je finis par vous connaître. Tu n’étais pas du tout dans le combat, tu étais complètement absent.

- Mais j’étais juste concentré sur Shin, c’est normal puisqu’il est mon adversaire.

- Je t’ai dit de te concentrer sur la nature, sur le monde qui vous entoure, sur l’essence même de Koryu ! Arrête d’être aussi égoïste, égocentrique, et écoute la nature. Vois à travers elle, respire à travers elle !

- N’importe quoi ! M’énervai-je, agacé. Comment veux-tu aimer la nature ? Je veux dire, j’ai toujours été sensible à ses charmes, attentif avec les animaux, mais ce n’est pas la même chose que ce que je ressens pour Shin. Ça n’aura jamais la même force !

- Ne tombe pas dans le romantique, gamin, ça me donne envie de gerber. Vous croyez vraiment que deux hommes qui s’aiment, c’est normal ? Vous croyez vraiment que c’est un hasard si vous avez grandi ensembles ? Je ne dis pas que votre amour est un mensonge mais votre attirance, poussée à son paroxysme, peut devenir dangereuse. Même si vous avez fusionné avec Koryu, tant que vous n’avez pas communiqué avec lui, il cherchera toujours à retrouver son unité, éliminant un à un les obstacles qui se dresseront contre lui, autrement dit, vous.

- Mais qu’est-ce que vous voulez dire par « dangereuse » ? Je veux dire… physiquement, psychiquement ?

- Asseyez-vous, nous ordonna-t-elle en soufflant. Nous nous exécutâmes puis elle reprit.

- Une relation implique deux personnes distinctes, elle devient malsaine lorsque celles-ci deviennent trop dépendantes l’une de l’autre, allant jusqu’à perdre leur identité et leur personnalité. Pour un couple normal, cela signifie simplement que la rupture sera très douloureuse, pour vous, cela constitue la première étape de la fusion charnelle, l’élimination du premier obstacle. Vous pousser l’un dans les bras de l’autre, c’est un moyen pour Koryu de retrouver son unité. Vous comprenez ? Une trop forte dépendance l’un par rapport à l’autre vous fera perdre votre identité, votre personnalité propre, vous rendant plus vulnérables à toute résistance. C’est ce que je veux dire en disant que vos pouvoirs diminuent maintenant que vous avez réveillé Koryu et que la communication devient indispensable, à défaut, Koryu s’éteindra purement et simplement et l’Oracle n’aura plus à s’inquiéter.

- Qu’est-ce que ça changera la communication ?

- La communication réveillera votre véritable pouvoir, elle vous révélera en tant que véritable divinité. Vous aurez absorbé toute la puissance de Koryu, son pouvoir sera définitivement vôtre. Alors au travail ! Tout repose sur la concentration et pourtant, c’est tellement simple… il suffit simplement de s’ouvrir à la nature, de l’embrasser…

 

Ebranlé, je reprends ma position et lance à l’attaque pour éviter de poser mon regard, pour éviter de réfléchir, pour éviter de basculer. Koryu surgit immédiatement, réagissant à l’excitation qui faisait bouillir mon sang, et jaillit dans toute sa splendeur, je le sens dans la moindre parcelle de peau. Je tremble tellement fort que même mes dents claquent. Je ferme les yeux pour me calmer mais j’ai à peine commencé à me sentir bien que je reçois une nouvelle taloche sur le crâne, le regard imperturbable de Zephilis me signifiant que je m’étais encore trompé de voix.

 

C’est fourbu de fatigue, le crâne en compote, que je regagne la couchette. Je m’endors en songeant que je n’ai pas pensé à poser la question concernant mes pouvoirs à Zeohilis. Je suis réveillé en pleine nuit par une violente secousse et je m’aperçois que je suis à terre, hors de mon lit. En levant les yeux, je compte une dizaine de soldats qui nous entourent. Je fais mine de me relever mais reçois une taloche et le soldat me crache dessus en m’ordonnant de rester couché. Un rapide coup d’œil m’a suffit pour voir qu’ils avaient récupéré nos épées et nos poignards. Des mains se mettent à me palper, d’un geste vif, je saisis le premier bras et le retourne dans un bruit sinistre. Le soldat hurle de douleur, j’évite le coup de poing d’un deuxième soldat visant mon visage qui parvient à se dégager avant que je ne lui broie la cheville. Les soldats hésitent, cette seconde de répit nous permet de nous relever et de nous placer dos à dos.

 

Les soldats tirent maladroitement leurs épées de leur fourreau, préférant négliger les nôtres qu‘ils avaient dû prendre comme butin. En soi, ils n’ont pas tord puisqu’ils ont surement plus l’habitude de manier leurs armes que les nôtres mais cela leur fait perdre du temps. D’un grand pas en avant, j’atteins le soldat le plus proche et lui enfonce mon coude dans son nez tandis que j’envoie mon pied dans le ventre de son voisin et le simple fait de me baisser me permet d’éviter le coup de lame porté par un autre soldat. J’achève mon mouvement d’une roulade pour arriver à l’endroit où avait atterri mon épée. La lame d’une épée m’entaille le visage et manque de peu ma gorge, je me retourne pour porter un coup à sa taille. Les hommes se sont répartis également leurs adversaires, nous flanquant de cinq adversaires chacun. La tâche aurait pu être malaisée s’ils n’avaient été de si piètres escrimeurs. Ils m’encerclent pour me limiter dans mes mouvements mais leur cercle était tellement parfait qu’un geste circulaire long, puissant et bas me permet de les tailler au niveau des chevilles. Le dernier a le temps de parer mon coup en reculant précipitamment mais je me jette sur lui pour lui porter un coup d’estoc. Les survivants se redressent précipitamment pour gagner la sortie mais ils se font happer par une énorme vague qui les propulse hors de notre navire.

 

Dehors, c’est un véritable carnage, nos ennemis impitoyablement balayés par de puissantes vagues d’un mètre de haut au milieu de laquelle Zephilis est protégée par un écran d’air. Nous rejoignons Zephilis une fois le calme revenu sur notre navire. Alentour, rien visuellement n’explique cette attaque soudaine mais nous pouvons entendre les bruits assourdissants des canons, des éclairs déchirent le ciel, la mer est agitée, aspirée, des fumées noires s’élèvent dans le ciel obscur.

 

Nous sommes suffisamment loin pour être hors de portée mais notre marge de manœuvre est très limitée puisque nous sommes en pleine mer. Même en abandonnant le bateau, ce serait reculer pour mieux sauter puisque toute la côte devait être envahie. Pas le choix, si nous voulons gagner Pandore, nous devons joindre nos forces à la bataille.

 

Zephilis invoque le vent pour faire gonfler les voiles et avancer plus rapidement, Shin et moi nous préparons à l’attaque.

- La troupe ennemie est composée d’une cinquantaine de navires, uniquement l’élite dit Zephilis. Celui-là était apparemment un navire éclaireur de l’armée de Pandore. On va faire une percée dans la flotte, nous serons trop exposés si nous restons à l’écart, tôt ou tard, nous serons repérés.

 

D’un geste fluide de la main, le bateau part en trombe et accoste sur la côte pandorienne. Je suis à deux doigts de vomir mais la réalité reprend bien vite le dessus. Ici, le vacarme est encore plus étourdissant, les cris des soldats percutent nos oreilles, les membres découpés étalent la plage de sang. J’ai l’habitude des combats mais pas des carnages et mon mal de cœur revient aussi vite qu’il est reparti. En voyant le bateau amiral agorien, nous nous précipitons. L’Oracle est-il là en personne ? Si le doute est permis, il ne l’est pas pour Karl. C’est forcément lui qui dirige les troupes. Je me tourne vers Zephilis qui s’occupe déjà des soldats dans un tourbillon d’eau, flammes, éclairs. Je pars à la poursuite de Shin.

 

L’Oracle, en apprenant que nous étions partis avec Zephilis, a dû anticiper notre prochaine direction et envoyer son amiral nous capturer. A moins que toute relation diplomatique ayant été rompue, l’Oracle a décidé d’user les grands moyens pour obtenir ce qu’il voulait. Il agissait tel un enfant, qui pleurait et faisait des caprices quand il n’obtenait pas ce qu’il voulait et outrepassait les pouvoirs qui lui ont été donnés pour satisfaire ses ambitions personnelles.

 

Je me mets à trembler en songeant que je devrais affronter Karl mais cette fois d’excitation. Maintenant que Koryu s’est éveillé, je suis plus fort et pour Shin, c’est pareil, il meurt d’envie de combattre son père, ce désir de montrer qu’il lui était supérieur a toujours brûlé en lui. La seule différence, c’est que nous ne l’assimilons pas à un ennemi et cette incertitude nous fait douter quant à l’attitude à adopter.

 

Les morts jonchant la route nous indiquent le chemin. Ils ne sont pas encore pleurés par les vivants, il est trop tôt, la bataille n’a même pas atteint son apogée. Une méthode aussi sanglante ne ressemble d’ailleurs pas à Karl, il a toujours respecté la vie de ses adversaires. Mais Agora est maintenant en guerre.

 

Les combats font rage mais nous parvenons à évoluer sans avoir à nous battre. La ville apparaît bientôt, les remparts envahis par les échelles tels des serpents enroulés autour des chevilles de ses victimes leur suçant le sang jusqu’à plus soif. Alors que les soldats s’aperçoivent de notre présence, Shin nous fait glisser jusqu’à l’intérieur de l’enceinte du domaine impérial. Je le sens perturbé : il est certes troublé à la perspective d’affronter son père mais il se fait également du souci pour la princesse Laya.

 

- Là, regarde ! S’écrie Shin, essoufflé.

Des flammes lèchent une partie de la façade nord du château. Nous nous précipitons sans prendre le temps d’admirer le bâtiment, les gens du château n’ont pas le loisir de former une file pour éteindre le feu, aux prises avec l’ennemi. Les vitres se brisent sous la pression, la fumée rend l’air quasiment irrespirable, corrompu par les atrocités de la bataille.

 

Une explosion souffle tout sur son passage. Karl surgit en trombe. Il se braque en nous voyant, paralysé par la surprise. Une femme manque de trébucher juste derrière lui, déséquilibrée par les gravas sur le sol. Son premier geste est de la repousser avant de la rattraper. Mon cœur manque un battement et ma voix se perd dans ma gorge. C’est tout juste si je sens la main de Shin se poser sur mon épaule.

 

Le temps s’arrête lorsque ma mère relève les yeux et tombe sur moi.

 

Par Danouch - Publié dans : Agora - Communauté : Auteurs Sadiques
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Samedi 8 janvier 6 08 /01 /Jan 17:38

Une semaine, deux semaines…

 

Nous nous entrainons sans relâche sur une épave, perdue au milieu de nulle part, cachés aux yeux du monde. Je ne me rends pas compte des progrès que nous avons faits, je ne saurai décrire notre niveau actuel tant nous nous entrainons. Les synchronisations deviennent de plus en plus courantes, Zephilis appele ça « la communication » entre Lillyan et moi. La résonnance est semblable à des ondes de choc qui fait vibrer les entrailles de l’océan, les cris des deux parties de Koryu qui s’appellent à chaque fois que nous combattons. Je n’ai plus peur de me laisser porter par mon pouvoir, je n’ai plus peur d’user de lui. Je me suis résigné à l’évidence, il fait partie de moi.

 

- Arrêtez ! Crie Zephilis.

- Quoi ? Nous demandons alors à bout de souffle.

 

Nos habits sont en lambeaux, la sueur, la saleté, l’odeur de la mer imprègnent le tissu d’une teinte inconnue.

 

- Vous avez utilisé le pouvoir de Koryu ? Nous demande-t-elle.

- Pas encore, je réponds.

- Je croyais qu’il fallait attendre ton signal ? S’interroge Lillyan.

 

Zephilis fronce les sourcils, elle frappe la longue pipe sur sa chaussure pour enlever les cendres froides et la rallume dans un silence morbide. Nous sommes, là, comme deux imbéciles, à attendre le départ de notre nouvelle route. La tension est insupportable, je frémis de curiosité jusqu’à m’irriter au plus haut point.

 

- Alors quoi ?! M’écrié-je.

- Arrêtez l’entraînement, finit-elle par dire.

- Comment ça ? Demande Lillyan.

- Essayez d’invoquer vos pouvoirs respectifs, dit-elle plus sérieuse que jamais.

 

Que cherche-t-elle ? Je partage un regard intrigué avec Lillyan. Quoi qu’il en soit, nous devons lui obéir. Je me concentre, je tente de faire revenir en moi une image forte, une sensation puissante capable de réveiller le « Ryu ». Mon sang se met à bouillir, l’aura autour de nous croît mais il manque quelque chose ou plutôt il y a déjà quelque chose…ma poitrine gonfle, ma respiration se coupe, la tension monte. Le grondement du sol, le souffle qui émane de nos deux auras font virevolter les cheveux de Zephilis et s’engouffre dans les voiles du bateau le maintenant sur place.

 

Je relâche la pression, je n’ai pas ressenti d’obstacle, je ne sens plus rien s’agiter dans mon estomac, rien de puissant ne s’accapare de moi cependant ma force ne cesse d’augmenter, si je me concentre, le flux s’échappe de moi avec une puissance incroyable, comme si…Comme si…Je l’avais déjà invoqué. J’écarquille les yeux, je remarque que Lillyan fait la même tête que moi.

 

- Vous avez fusionné avec vos dieux respectifs. Je suis la seule à encore pouvoir ressentir la différence entre les âmes qui vous habitent, dit-elle en crachant la fumée.

- Alors cet entraînement ne constituait qu’à fusionner nos âmes ? Pas celle de Shinrei et moi, ni l’âme fragmentée de Koryu, mais plutôt nos âmes respectives avec Koryu ? Demande Lillyan

- Exactement. Deux âmes ne peuvent fusionner que si elles sont dans un même corps, c’est logique. Shin et toi ne pourrez jamais fusionner à moins que l’un de vous ne meurt.

Je frissonne à l’entente de sa phrase.

- Dans tous les cas, ce n’est pas nécessaire, ce n’est pas parce que Koryu est divisé qu’il est moins puissant. Grâce aux nombreuses synchronisations, il a retrouvé la même puissance que lorsqu’il était un. Vous n’aurez pas besoin de vous battre ensemble pour acquérir toute votre puissance, pas d’inquiétude là-dessus.

- Alors…C’est terminé. Nous sommes invincibles…Dis-je surpris.

- T’es malade, gamin ! Si tu dois apprendre une chose, c’est bien, celle-là ! Personne, et j’ai bien dit personne, n’est invincible. Pas même un dieu, ni Koryu, ni Ellysia, ni l’Oracle. PERSONNE. De plus, maintenant que vous avez fusionnez vous êtes plus inoffensif que des voyageuses qui auraient trop bu. Vos auras dégringolent à vu d’œil ! C’est une phase normale, pour y remédier, il vous faudra communiquer avec Koryu. Si vous n’y parvenez pas…Vous deviendrez de simple agoriens sans pouvoir particulier et Koryu s’éteindra.

- QUOI ? S’exclame Lillyan.

- Tu veux dire que si nous échouons, nous perdons tous nos pouvoirs ?! Il n’y aura plus aucune chance d’anéantir l’Oracle ?

- Aucune. Ca serait la fin du monde.

- Tu aurais pu nous le dire !

- En quoi ça vous aurait fait changer d’avis ? Demande-t-elle sur un ton nonchalant.

 

Je reste muet, muet d’inquiétude. Les choses se compliquent et prennent une mauvaise tournure. Les chances de communiquer avec un esprit sont très faibles pour des jeunes de dix huit ans aussi instables que nous, surtout que nous parlons d’un dieu ! Ce n’est pas un esprit d’un simple pouvoir commun. Quelle poisse ! J’ai l’impression que tout s’effondre, nous avons parcouru le plus gros mais là c’est un véritable coup de poker. Si nous ne parvenons pas à communiquer avec lui, ça sera la fin de tout. Je courbe l’échine sous le poids de la responsabilité qui pèse sur nous, je croyais que jamais ce poids ne pourrait augmenter mais là je suis littéralement écrasé. Finalement Zephilis a bien fait de ne pas nous le dire avant, j’aurai été si préoccupé que je n’aurai jamais pu me concentrer sur nos combats.

Mes nuits risques d’être encore plus tourmentées, même si nos âmes ne font qu’un, je ressens encore les douleurs physique et mentale de mes pouvoirs. Ce sont des conséquences irréversibles qui m’empêchent de dormir, ce soir, c’est notre avenir et celui du monde qui va me garder éveiller toute la nuit.

 

- La communication n’est pas une chose facile, explque-t-elle. Après le combat physique, vous allez faire face au combat mental. Rien n’est plus éprouvant que le combat mental. Autant vous dire que sur la communication avec l’esprit, il n’y a pas de méthode commune, ce sont des méthodes propres. Vous allez devoir les découvrir vous-même. La seule chose que je pourrai faire, c’est prédisposer Koryu à communiquer avec vous.

- Nous communiquerons en même temps ? Demande Lillyan. Je veux dire, Shin et moi.

- Normalement oui. Quand l’un aura réussi l’autre y accédera automatiquement.

- Est-ce qu’il y aura d’autres surprises ? Je demande avec une pointe d’énervement.

- Tu verras bien, gamin, dit-elle un sourire sournois sur les lèvres.

 

Elle crache sa fumée épaisse et dansante autour de son visage d’une beauté perfide avant de nous tourner le dos et d’entrer dans la cabine. A peine a-t-elle fermé la porte que je m’écroule sur mes genoux épuisés laissant libre court à mes émotions. Je suis à bout de force, totalement essoufflé, ma vue se trouble sous les larmes de rages. C’est un cauchemar ! C’est un véritable cauchemar !

 

Lillyan s’accroupit face à moi et m’oblige à trouver refuge dans ses bras, il me caresse machinalement les cheveux pendant que je sens mes peurs prendre le dessus sur moi. Mon calme olympique ne fait pas long feu dans un corps moribond. Mais ces bras protecteurs, la douceur de son odeur, la chaleur de son corps, ils m’apaisent et peu à peu je reprends un souffle régulier. J’ai beau avoir fusionné avec, il me reste quelques séquelles, comme ses crises de fatigue qui me secouent à chaque fin de combat, ’espère qu’elles disparaîtront avec le temps. Je réussis avec les dernières forces qu’il me reste à retenir mes larmes.

 

J’ai l’impression de ne plus être le Shinrei fier et digne que j’ai toujours été, ce Shinrei que j’ai mis tant de temps à construire. Je déteste la faiblesse qui m’accable. Je ne veux pas devenir faible au point de pleurer dans les bras de mon amant comme un moins que rien. Je serre les dents de rage et repousse gentiment mon amant avant de me redresser avec douleur.

 

- Nos pouvoirs diminuent, tu ressens d’autant plus la douleur. Ne fais pas trop d’effort Shin, dit-il prévenant.

- Je ne comprends pas, dis-je à bout, pourquoi suis-je le seul à ressentir ce mal ?

- Tu sais, Shin, Je l’ai ressentie pendant des années, cette sensation, ces douleurs incessantes qui t’empêchent de dormir. Peut être avec moins d’intensité parce que même si j’étais plus longtemps en proie à la domination de Koryu que toi, elles n’ont pas été successives comme les tiennes. Cependant j’ai ressenti la même chose. Nos forces se vident et chaque muscle, chaque membre nous fait hurler de douleur. Ne parlons pas des maux de tête horribles. Je sais ce que tu ressens, mais ça va passer, maintenant que tu as fusionné avec Koryu, il ne te dominera plus et tu pourras user de ton pouvoir sans t’écrouler à la fin. J’en suis sûr.

- Je ne suis pas aussi confiant…Mais j’aimerais.

Lillyan passe une main délicate sur ma joue.

- Oublies ça. Si on allait nager un peu ! Ca nous fera du bien.

 

Il n’en faut pas plus pour que nous sautons dans la mer avec entrain, l’eau glacée réveille tous mes sens et je frémis de bien être, c’est revitalisant. Lillyan se met sur le dos comme une étoile et fixe le ciel bleu avec un sourire nostalgique sur les lèvres.

 

- Je me demande ce que font nos parents. Est-ce que nos pères vont bien ? Est-ce que nos mères ont rejoint Maru ?

- Je pense qu’elles sont en sécurité, je suis intiment convaincu qu’elles sont bien au chaud même si elles sont mortes d’inquiétudes pour nous.

- Et nos pères ?

J’ai évité avec agilité ce sujet sensible, si c’est quelqu’un qui me l’avait demandé, je l’aurai envoyé balader sans hésiter. Mais il s’agit de Lillyan, mon meilleur ami, l’homme que j’aime le plus au monde.

- Ils vont bien. C’est certain.

 

Il sait que je ments mais son sourire s’est quand même étiré sur son visage, il a besoin qu’on lui dise qu’ils vont tous bien même si, au fond, je ne suis sûr de rien, même si, au fond, nous sommes pratiquement sûrs du contraire. Je ne préfère même pas y penser, ma vie d’autrefois me parait si lointaine, si floue, presque aussi réelle qu’un rêve. Un souvenir qui s’effrite au fil du temps.

 

Mon père, l’Amiral, le couteau sous la gorge, contraint de se battre pour une cause qui n’est pas la sienne, impuissant face au pouvoir de l’Oracle. Maître Zenon, enfermé dans un cachot pour haute trahison, attendant sa condamnation à mort. Peut être est-il déjà…mort.

 

Je redresse mon regard vers le ciel instinctivement et remarque Zephilis accoudée au rempart du bateau, elle nous regarde, je crois déceler une pointe de mélancolie dans ses yeux mais cette image s’efface aussi tôt.

 

Je secoue la tête, j’ai surement dû rêver, je nage jusqu’à Lillyan avant de l’attirer vers moi. Il sort de sa léthargie et me sourit avant d’enrouler ses jambes autour de ma taille.

 

- Je me sens toujours aussi sale, me dit Lillyan en posant sa tête sur mon épaule.

- L’eau de mer, c’est pas fait pour te laver.

- J’ai hâte de voir Pandore, nous pourrons enfin prendre une bonne douche !

- J’imagine déjà. Ton corps ruisselant d’eau chaude, au milieu de la buée, la mousse qui glisse sur ton corps…

- Hé ! Dit-il gêné.

 

Il rougit, je ris et il se détache de moi pour regagner le bateau. Nous remontons sur le pont, trempés mais les idées en place, nous n’avons plus qu’un objectif en tête, communiquer avec Koryu le plus rapidement possible. Mais d’abord, descendons dans notre cabine…

 

A l’aube, c’est presque avec une fanfare que Zephilis nous réveille. Totalement nu, je remonte avec pudeur la couverture sur moi alors que Lillyan n’a même pas réagi au vacarme de notre maître. Les jambes écartées, la main sur son torse finement musclé, j’ai immédiatement viré Zephilis de la chambre sans plus de formalité pour réveiller avec douceur ma belle au bois dormant.

Il a grogné de mécontentement mais il a fini par ouvrir l’œil, quelques minutes plus tard nous sommes sur le pont. La belle journée d’hier a tourné au gris, les nuages épais et le vent rendent la mer tumultueuse. J’espère juste que ce ne sont pas les prémices d’une tempête.

 

- Parfait. Je peux vous guider pour le début mais il va falloir vous débrouiller ensuite. Asseyez-vous à même le sol. Les jambes croisées, et concentrez-vous sur tout ce qui vous entoure ! Sur le moindre mouvement de l’eau, sur la vitesse du vent, jusqu’à entendre le temps. Vous devez vous harmoniser avec tout ce qui vous entoure, jusqu’à sortir de vous-même. Spectateur de ce qui se passe, comme un esprit en dehors du corps et du monde. Une fois que vous aurez atteint ce niveau, vos aura vont se déployer d’un seul coup, cela veut dire que Koryu sera apte à communiquer avec vous.

- C’est tout ? Demande Lillyan.

- Bonne chance, dit-elle sournoisement. Je sens que ca va être marrant…

 

 

 

 

 

 

 

 

Par Danouch - Publié dans : Agora - Communauté : Auteurs Sadiques
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Jeudi 30 décembre 4 30 /12 /Déc 19:22

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Je prends appui sur le sol pour bondir dans les airs et éviter le poing de Shin avant d’atterrir en douceur le sol raide du pont avec une roulade amortissante. Je n’ai pas le temps de me relever que Shin est déjà sur moi. Sa vitesse n’est cependant pas assez rapide pour me surprendre complètement et j’ai le temps de bloquer son assaut en tendant les bras devant moi pour maintenir une distance vitale.

 

Ma prise n’est cependant pas solide et ne constitue pas un réel obstacle pour Shin qui gonfle les bras pour renfoncer la pression. Sentant que mes bras, déjà amoindris par les efforts précédents, vont céder, je décoche un coup de pied circulaire pour le faire reculer.

Il se redresse souplement et repart à l’assaut. Mes jambes accroupies reçoivent l’attaque sans souffrir outre mesure tandis que j’enroule mon bras autour du sien. Il se détache de la prise en glissant son bras comme une sucette autour de la langue et se retourne en me décochant un coup de coude au nez que j’évite d’un balancement de la tête vers la gauche.

 

J’envoie mon poing sur la droite pour attirer son attention tandis que mon deuxième part du bas pour lancer un uppercut au menton. Sonné, il recule enfin, ce qui me laisse le temps de reprendre mon souffle. Nous gardons cette position un moment afin de nous jauger et d’analyser la résistance restante.

 

J’effectue un pas rapide et précis pour me rapprocher de lui sans laisser d’ouverture mais au lieu de reculer, il se prépare au choc. Parfait. Je le contourne au dernier moment en effectuant un deuxième pas sur le côté puis un dernier pour me positionner derrière lui et lui asséner un coup du tranchant de la main sur la nuque.

Une voix sourde et désagréable retentit alors à nos tympans.

 

- Je peux savoir ce que vous faîtes ? !

 

Shin et moi la regardons sans comprendre. Rien que voir sa tête me donne des ulcères. Elle nous traite comme de la merde, des objets, des enveloppes qu’on jetterait bien à la poubelle, une fois la lettre extirpée. Parfois, je me demande si elle n’est tout simplement pas jalouse de ne pas avoir été choisie par les dieux… non, c’est même sûr. Nous ne somme que des gamins immatures, impuissants et froussards qui ne saisissent pas l’immense honneur d’avoir été élus par un dieu. Si ça ne tient qu’à moi, je lui donne Koryu quand elle veut. Peut-être comprendra-t-elle alors la terrible sensation qui nous envahit chaque jour un peu plus d’avoir été donnés en sacrifice pour un monde que nous ne respectons même pas.

 

- On s’entraîne, répond Shin.

- J’appelle pas ça de l’entraînement, moi, tout juste une séance de gym matinale. Si vous voulez vraiment vous entraîner, invoquez le dieu qui dort en vous.

 

Je lève les yeux au ciel, en ayant plus qu’assez de son dieu. A l’entendre, on devrait vivre, manger et dormir avec lui et c’est d’ailleurs son but recherché. Sa fixation sur Koryu est limite malsaine, proche de l’obsession, et son esprit dérangé ne nous inspire pas vraiment confiance. Nous avons même sérieusement songé à fuir après plusieurs séances d’ « entrainements » mais en pleine mer, nous n’avons pas eu l’occasion de concrétiser l’idée.

 

Nous sommes jeunes mais à voir notre tête, je suis sûr que nous devons ressembler au pauvre mec blasé de la vie marqué par la routine, comptant ses sous au centime près et se demandant comment nourrir sa famille. Même un pépé de soixante-dix ans, pourtant à la fin de sa vie, doit être plus serein que nous.

Je ne saurais même pas dire quand cette histoire a commencé. Trois mois ? Un mois ? Six mois ? Moi, j’ai l’impression que ça fait des années que je ne me suis pas coiffé, pris un bain, partir en vadrouille dans la forêt et mangé avec mes parents, le sourire aux lèvres après une journée bien remplie. Mêmes les rares instants de tendresse que nous échangeons nous culpabilisent à penser à nous au lieu de nous entraîner pour sauver le monde. Sauf que ce qu’elle ne comprend pas, c’est que ces instants de douceur ne sont pas de simples caprices de gamins immatures mais de réels remparts contre la folie. Perdre la raison dans ce monde hostile et violent, qui ne nous laisse aucun droit à l’erreur, qui estimait avoir le droit de nous battre sans le moindre scrupule.

 

D’un bond, elle se propulse jusqu’à nous et envoie son poing dans la figure de Shin dont la puissance l’envoie deux mètres plus haut pour le faire retomber violemment par terre. Ma bouche s’est à peine ouverte pour laisser paraître mon incrédulité que je ressens une douleur fulgurante à la mâchoire.

 

- Ça, c’est de l’entraînement ! Bande de femmelettes !

 

Je me relève difficilement, la tête qui tourne et la nausée remuant dans mon estomac. Je la foudroie du regard. Cette fois, je ne me retiens et laisse toute ma fureur m’envahir. Mon pouvoir, dont je me sens de plus en plus proche chaque jour, s’agite et me somme de l’invoquer. Mais oui, bien sûr, petit pouvoir, attend seulement que je te donne ta dose de sang. C’est dans ces moments-là où je sens que nous nous complétons plutôt que de paraître pour un parasite : Koryu n’est pas indépendant, il a besoin de moi, d’une attache corporelle évoluant dans le monde physique, pour s’exprimer dans toute sa splendeur. Et au fond de moi, quand je me concentre vraiment, je sais qu’il est satisfait quand je l’accepte et que nous travaillons ensembles. Je n’ai jamais communiqué avec lui, je ne sais pas si c’est possible, Zéphilis n’avait parlé que d’une communication entre Shin et moi, pas de… moi-même à moi-même… mais je me sens de plus en plus en harmonie avec lui.

 

La colère fait exploser Shin. Je crois que c’est lui qui a le plus de mal à vivre tout ça. Il a toujours été sérieux, sensible, ordonné, mon total opposé, la raison pour laquelle on s’entend si bien. Tous les principes et valeurs auxquels il croyait ont été piétinés un à un, le détruisant à chaque fois un peu plus, piétinant à chaque fois un peu plus sa raison. Il s’enflammait bien plus rapidement et laissait libre cours à son courroux. Sauver le monde ? Notre seule envie était au contraire de l’anéantir et de pouvoir reposer en paix. L’élément déclencheur est l’obligation de m’avoir torturé plus le harcèlement incessant de Zéphilis qui ne lui a pas laissé le temps de se reposer. Nous sommes bien conscients que nous ne pouvons pas prendre de vacances mais le repos est indispensable à tout être humain s’il veut continuer à avancer.

 

Or Shin ne dort plus, son corps est secoué de spasmes la nuit et ses bras se tendent dans l’air pour repousser l’attaquant. Je ne savais pas ce qui se passait, je n’étais pas capable de sonder son esprit trop enfoncé dans le sommeil et je ne pouvais que le serrer dans mes bras pour ne pas le perdre. Je me doutais cependant qu’il se faisait malmener par son pouvoir, s’entrainait nuit et jour mais il en faisait tellement trop qu’il perdait pied. Il n’essayait pas de comprendre, Shin a toujours été quelqu’un de rationnel plus que sensitif, il essayait de dompter son pouvoir sans vraiment vivre avec lui. Je lui avais dit qu’il fallait se laisser porter, vivre avec lui mais il considérait déjà vivre avec lui puisqu’il habitait son corps.

 

Et le plus inquiétant dans tout ça, c’est que les progrès avaient été fulgurants. Moi, j’avais toujours été réticent à invoquer mon pouvoir mais Shin, après avoir compris que les illusions fermaient le clapet à Zéphilis et la paralysaient de terreur, n’hésitait plus à l’user. Elle était loin l’époque où ses premières expériences lui avaient glacé le sang seulement ça se ressentait après sur son sommeil. Ainsi, le fait d’invoquer tous deux nos pouvoirs devrait enclencher la communication mais Shin était tellement dur dans ces moments que je ne le retrouve plus.

 

Soudainement, l’ambiance est lourde, l’atmosphère se charge de tension. Il ne m’en faut pas plus en voyant Zéphilis immobilisée et un sourire mauvais tordre le visage de Shin pour comprendre ce qui se passe et je dévie mon attaque au dernier moment pour la diriger sur lui. Malgré la peur qui me noue les entrailles suite à ce qui s’était passé la dernière fois, je n’hésite pas et frappe pour le déconcentrer afin de le sortir de cette transe inquiétante.

 

Je comprends pleinement le désarroi qu’il a dû ressentir en me voyant manipulé par mon propre pouvoir parce que c’est ce que je ressens maintenant. Mais le pire, c’est que là, j’avais peur. D’abord parce que la dernière fois, quand je l’ai attaqué pour le neutraliser, des images terrifiantes m’ont dévasté, Shin lui-même, mes parents. Ça n’a pas duré longtemps mais ça a suffit pour me vider. Je ne lui en ai pas parlé pour ne pas le culpabiliser d’avantage mais ça m’avait profondément troublé. C’est peut-être la raison pour laquelle nous ne parvenons pas à communiquer.

Ensuite parce que je ressentais le plaisir qu’il prenait en manipulant si facilement l’esprit des gens. Pour l’instant, il reste suffisamment maître de lui-même pour se maîtriser et me reconnait assez facilement. Un contact suffit, un contact qui nous vole toute notre énergie, comme si le dieu aspirait notre fluide vital.

 

J’arrête mon geste au dernier moment, je veux lui transmettre de la tendresse et non pas l’attaquer et agir comme nos ennemis qui usent la violence sans essayer de comprendre. Il ne me sent pas approché et se raidit quand je l’enlace dans mes bras, d’un geste plein d’amour et d’affection. Un tremblement part de sa tête et descend jusqu’à ses pieds tandis que moi-même, je ne ressens même plus mon corps, juste une incroyable sensation de bonheur et l’impression de ne faire qu’un avec moi-même. Shin répond à mon amour inconditionnel, ouvre les yeux et me serre dans ses bras à m’en étouffer. Mais notre amour naturel est renforcé par la sensation d’harmonie, d’unisson de notre personne. Les deux moitiés complètement réveillées ne font qu’une et c’est une grande bouffée d’air qui s’engouffre dans nos poumons, la sensation de voir à nouveau, de se toucher vraiment.

 

Mes sensations sont multipliées par dix, un frôlement d’air et j’ai l’impression qu’un tremblement de terre se déclenche. Ma langue va se perdre au fond de sa bouche et entame une danse sensuelle et douce avec sa jumelle. J’ai envie de parcourir chaque centimètre carré de sa peau avec le plus de douceur possible, pas comme lors de nos ébats passionnés.

 

La magie est rompue par un intrus et le retour à la réalité est brutal. Zéphilis nous regarde étonnée, plus une trace de frustration ou de tension sur son visage, elle parait même… détendue… Assis sur le sol, je serre amoureusement mon amant dans les bras et le berce comme un enfant. Il répond à mon étreinte et se détend, se sentant enfin en sécurité, au chaud dans mes bras.

 

Zéphilis se penche vers nous et je me braque, contracte mes muscles, prêt à attaquer au moindre geste suspect de sa part. Je me suis juré de protéger Shin quoi qu’il arrive, qu’elle n’ait pas l’intention de le jeter par-dessus bord, je ne répondrai pas de mes actes. Mais non, elle le dévisage simplement et écarte la mèche de cheveux pour mieux le voir. Son visage est d’ailleurs paisible, calme qui me fait sourire.

 

- C’était incroyable …

- Vous avez ressenti, ça, aussi ?

- Je ne sais pas vous mais tous les éléments étaient en paix, et ne faisaient plus qu’un comme s’ils retenaient leur souffle, comme si… ils étaient en harmonie avec la terre. C’est difficile à expliquer mais pour la première fois, ils n’étaient pas en train de se chahuter comme ils le font constamment, ce qui me rend si nerveuse. Je ne sais pas exactement ce que ça signifie mais c’était une synchronisation parfaite.

- Pourtant, j’ai juste voulu serrer Shin dans mes bras pour le faire revenir à la réalité pour changer des coups qu’on reçoit tout le temps en ce moment….

- Ce n’était pas une mauvaise idée, c’est vrai que je ne suis pas le meilleur maître qui soit, encore moins pour des enfants. Je ne connais pas la douceur et je n’ai pas compris que c’était en vous rendant la vie plus difficile.

- C’est vrai qu’au final, vous ne nous avez pas appris grand-chose. Y a dû avoir erreur sur la marchandise.

- Disons que j’en sais un rayon sur Koryu et Ellysia.

- Ellysia ?

- Le dieu qui incarne l’Oracle, la partie pacifique. Mais je vous raconterai ça quand Shin sera réveillé. Va dormir, t’en as besoin aussi.

 

Je soulevai Shin difficilement et le portai jusqu’au lit. Là, je m’allongeai contre lui, toujours en le serrant dans mes bras. Il se blottit un peu plus contre moi. Le sommeil fut paisible.

 

Shin était déjà réveillé lorsque je me réveillai le lendemain, il contemplait simplement mon visage.

- J’ai l’impression de sortir d’un long cauchemar.

- Moi, j’ai l’impression que je commence à croire que l’on sera vraiment capables de battre l’Oracle.

- Oui, nous avons toujours cru qu’à deux, nous étions invincibles mais nous étions loin du compte, songe-t-il. Zéphilis avait raison en disant que ce n’était pas de l’entraînement. En combinant nos deux pouvoirs, notre force s’en trouve multipliée !

- Encore faut-il y arriver !

- Tu sais, Lillyan, j’ai vraiment ressenti ton amour, la tendresse qui se dégageait de toi, ça m’a ouvert les yeux. Je crois que c’est ça ce qui nous manque depuis le départ, la compassion, la compréhension. Nous avons toujours eu peur de ce pouvoir que nous ne connaissions pas mais il suffit de savoir le contrôler, de savoir vivre avec lui. Je crois que je commence à comprendre ce que tu m’avais dit. Et à vrai dire, l’amour, la douceur, la tendresse, c’est la solution à tout. Si les hommes cessaient de se battre…

- Mouais, faut pas rêver non plus…

- Mais s’il suffisait d’ouvrir les yeux à l’Oracle pour qu’il recouvre la raison ? Il n’est pas foncièrement méchant, Lillyan ! Ça a bien marché avec Zephilis!

- Tu ne dormais pas ?

- Non, je somnolais…

- Je ne sais pas, Shin, on parle quand même de dieu… Il faudra demander des explications à Zéphilis, mais, pour l’instant, j’ai envie de câlins, dis-je en mimant une moue d’enfant.

 

Shin m’écrase la tête contre l’oreiller, s’installe sur mon dos pour m’empêcher de bouger et me chatouille impitoyablement le long des hanches. Je me tortille comme un ver en rigolant mais y a pas moyen de se défaire. Il me plaque soudainement les mains contre le matelas et parcourt ma nuque avec ses lèvres.

 

Mes tremblements ne sont pas dus à ses chatouilles mais bien à ses caresses excitantes. J’arrive à me retourner en me tortillant et happe ses lèvres pour aspirer goulument l’air qu’elles emprisonnent et la langue qu’elles gardent jalousement pour elles. Je ferme les yeux pour mieux ressentir les sensations que ce contact dévore.

 

- Je t’aime, dit-il dans un souffle, les bras serrés contre ma poitrine à m’en étouffer.

 

Je sais qu’il m’aime, est-ce que le dire change quoi que ce soit à notre relation ? Au fond, non, pas vraiment mais ça n’empêche que ça me touche au plus profond de mon cœur. Ces trois mots scellaient notre pacte dans le marbre de notre cœur, c’est comme s’ils matérialisaient nos sentiments.

 

Alors pourquoi je n’arrive pas à l’affirmer moi aussi ? Ma poitrine se serre de timidité et n’ose pas l’avouer. La scène me parait trop… romantique… J’ai l’impression que si je minaude et me trémousse sur lui, je vais perdre toute ma virilité, mon autorité masculine et que je ne ferai que me soumettre à mon amant. Je lui réponds un « moi aussi » vague, qui se veut puissant, réconfortant mais pas déclaratif alors que je sais que ça a été difficile pour lui de se dévoiler, d’extraire ses sentiments de son cœur pour me les confier solennellement. Je secoue la tête et déglutis pour extraire également la véritable force de mes sentiments et la lui communiquer tout entière.

 

- Moi aussi, repris-je plus fort, moi aussi, je t’aime…

 

Il sourit à s’en décrocher la mâchoire et je ne peux m’empêcher de l’imiter, le cœur léger. J’ai honte de voir que j’ai hésité, même quelques infimes secondes que Shin n’a pas du remarquer, mais maintenant je suis soulagé.

 

- On y arrivera, Shin, quoi qu’il arrive, on y arrivera et on pourra vivre notre amour librement.

Il hoche la tête avant de s’endormir.

 

Par Danouch - Publié dans : Agora - Communauté : Auteurs Sadiques
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Vendredi 10 décembre 5 10 /12 /Déc 12:58

Comment une femme peut-elle être aussi dure ? J’ai sans doute l’habitude des femmes pures et douces comme ma mère ou celle de Lillyan. Maître Zephilis est encore un degré au dessus de la femme sévère. Dans mon esprit, c’est une criminelle qui œuvre pour le bien contre son gré.

Un peu en colère d’être levé si brutalement, je ne montre pas mon sourire le plus enthousiaste lorsque je l’aperçois sur le pont. Elle monte sur les cordages puis se jette brusquement en arrière. Nous nous précipitons par réflexe avant de remarquer qu’elle est suspendue dans les airs avec une facilité surprenante. Son sourire pervers s’étire avec malice sur son visage, ce genre d’expression lui donne une aura si impressionnante que moi-même je fais pâle figure à côté de sa prestance.

 

- Bientôt, tu seras capable de faire ça, me dit-elle en me désignant.

- HEIN ?

- Tu es un Fossoyeur de terre, n’est-ce pas ? Alors tu ne maîtrises pas que la terre en dessous de tes pieds, tu maîtrises la terre dans son ensemble. Je parle de la planète entière.

 

Je reste bouche bée, n’ayant jamais pensé une seule seconde à notre globe. Lillyan n’arrive même plus à cligner des yeux correctement. Reste une question, comment sait-elle le faire, elle ?

 

- Tu es un Fossoyeur de terre aussi ?

- T’es con ou quoi ? Me dit-elle en perdant son sourire. Je suis une Charmeuse d’esprit, tu as oublié ?

- Alors comment ?

- Tu dois comprendre, mon chou, que tout a un esprit, la mer, le ciel, les nuages, les animaux et même la planète. C’est mon charme qui l’a fait obéir.

 

C’est à ce moment précis que j’ai compris la grandeur du pouvoir de maître Zephilis, elle n’est pas limitée par un élément, elle est presque aussi puissante qu’un dieu lui-même. Elle peut tout contrôler.

 

- Cependant, l’esprit de la planète est une combinaison de plusieurs esprits, et je ne peux dominer plusieurs esprits en même temps. Ici, j’utilise celui de la gravité. Une chose que tu vas apprendre à dominer. Maîtriser la gravité, c’est maîtriser la planète, puis tu te propulseras en dehors de la planète, les astres, les astéroïdes, les météorites ! Tout cela, tu le contrôleras.

 

Elle revient brusquement sur le pont, son aura diminue à vue d’œil, ses chaînes aspirent toute son énergie. Je suis intrigué.

 

- Tu apprendras tout ça après avoir communiqué avec Koryu. En attendant…

 

Sans comprendre ce qui m’arrive, elle se plante face à moi, l’épée tendue en arrière, prête à me dépecer comme un animal. Par reflexe, j’arrête sa lame avec ma main sans aucune égratignure. Elle me fixe intensément, son sourire s’étire à nouveau. Ce n’eétait qu’un test et le combat commence maintenant.

 

Je pousse Lillyan plus loin et sors mon épée à mon tour pour parer ses attaques. Je ne fais que reculer, recevant chaque attaque avec plus de puissance, et remarque qu’elle utilise son épée avec une seule main. Or c’est presque impossible lorsqu’il s’agit d’attaques aussi précises et puissantes. Même si elle le fait pour m’impressionner, ça marche.

 

- Allons, gamin, tu m’avais promis de me montrer ce que t’avais dans le ventre, me dit-elle.

 

Alors que je suis déjà essoufflé, elle semble si maîtresse de la situation que ça en devient effrayant.

Je me ressaisis cependant et déchaîne mon aura autour de moi, je me laisse totalement aller au rythme du combat même si son avantage est énorme ! J’ai toujours un pas en arrière, quelques minutes de retard, alors qu’elle pare mes coups avec facilité. Je donne pourtant tout ce que j’ai, frappant avec force, concentrant mon énergie sur le rythme.

Puis c’est le choc, elle n’a aucun rythme, à peine touche-t-elle le bois du pont qu’elle revient immédiatement à l’assaut. C’est une vraie machine de guerre qui n’obéit qu’à son instinct. Un animal né pour tuer. J’ai beau donner tout ce que j’ai, j’ai beau la prendre par surprise, elle finit toujours par rire lorsqu’elle pare mes coups. Je comprends notre grande différence de force et cela me rend fou ! Pourquoi ne suis-je pas capable de dépasser mes limites ? Pourquoi est-ce que je n’arrive pas à me battre avec autant de force ? Je me concente tellement sur la technique, sur ce que j’ai appris que j’en ai oublié les bases ! L’importance de l’instinct. J’ai été éduqué dans la rigueur et me relâché est inconcevable ! C’est pour ça que Koryu ne prend pas possession de moi, c’est pour ça que je reste planter à un kilomètre en arrière, en fixant le dos de Lillyan qui progresse à une vitesse folle !

 

L’impuissance, la frustration, incapable de réussir à l’effrayer, à l’impressionner, on dirait que je suis aussi faible qu’un débutant alors qu’en fait, c’est elle qui est trop puissante. L’aura, l’énergie, la prestance, le nom, rien ne compte ! Tout n’est que puissance, tout est une question d’esprit et je ne l’ai pas ! Comment un dieu comme Koryu a-t-il pu choisir un tel poids pour lui ? Il ne peut même pas me dominer comme il le souhaite, je ne dépasse jamais les bornes.

 

Distrait et transpirant de fatigue, je n’ai pas le temps de me réagir alors qu’elle est déjà derrière moi, la lame de son épée frôlant la peau en sueur de mon cou. La honte, la déchéance, la dépression, c’est une véritable chute libre dans la confiance que j’apporte à ma force, à ma qualité de stratège. Ce n’est pas un combat équilibré car j’ai baissé les bras avant même d’avoir commencé.

 

- Tu me fais pitié gamin, regarde-toi ! A genoux face à un adverse qui ne montre même pas le quart de sa puissance. Je croyais que tu voulais me montrer la force et la dignité d’un agorien ?! Oublie ce que tu as appris, oublie les limites et les règles ! Dans un combat à mort, il n’y a pas de révérence. Si tu n’es pas capable de me faire prendre mon épée à deux mains alors tu ferais mieux d’abandonner, l’Oracle est à des années lumière de toi. Tu peux retourner lui lécher le cul pour l’implorer de t’épargner comme à su faire toute ta belle famille !

 

Le bruit résonne comme un balle, je me suis relevé si rapidement que j’ai vu la surprise dans ses yeux, ses membres immobiles. J’ai son épée dans mes mains, quitte à me planter la paume ! Je n’en ai rien à foutre ! La rage qui gronde de ma gorge est trop forte pour ressentir une quelconque douleur. J’ai ce grand défaut d’être un homme fier, Lillyan me l’a reproché assez de fois. Cependant, je n’accepte pas qu’on parle ainsi de ma famille.

 

Mon aura, aussi sombre que les ténèbres de la mer profonde, ondule autour de moi comme une entité dotée d’une volonté propre, presque effrayante, intriguant Lillyan qui nous observe attentivement. Je tire brusquement Zephilis sur ses chaînes reliées à son collier au cou et ses poignets.

 

- Je te conseille d’abandonner Zephilis, je ne répondrais plus de mes actes si tu décides du contraire.

 

Je revis enfin, c’est une onde séismique qui nous ébranle, ma puissance rugit et fait réagir toute la nature qui m’entoure. Elle plante ses yeux dorés sur moi et arque un nouveau sourire sournois en passant vulgairement sa langue sur ses lèvres. La tension est si grande que je sens Lillyan frémir d’excitation, son corps réagit à la force qui se dégage de nous.

 

D’un geste simple, je retire mon bandeau qui tombe au sol. Je ne l’ai enlevé qu’une fois pendant un combat : contre Zenon. Je peux lui montrer ma puissance sans me faire contrôler par Koryu. Je suis maître de mon destin, je refuse d’être le pantin de ce dieu.

 

Les vibrations des vagues sur le bois du bateau, le bruit du vent qui souffle contre Lillyan, l’aura de Zephilis résonnent autour de moi comme une onde de son presque indétectable. Elle sait le cacher mais j’ai une faculté qui dépasse l’entendement : lorsque je quitte mon bandeau, je peux même sentir les poissons qui nagent an dessous de la coque. Je fais couiner le fil de mon épée qui s’arrête à quelques millimètres de la tête de Zephilis alors qu’elle s’apprêtait à attaquer mon flanc droit. Les sourcils froncés, elle comprend que je suis sérieux.

 

- Tu t’es enfin réveillé gamin ! Maintenant, on passe aux choses sérieuses…

 

Elle brandit son épée à deux mains et s’élance contre moi. Chaque choc des deux lames fait résonner nos deux auras et se répandent dans l’air comme une explosion. Ma puissance grandit, je la sens m’envelopper comme une fine combinaison, elle brille presque sous le soleil et me rend la vue en plein jour, elle me donne plus d’endurance, plus de rapidité.

 

C’est lorsque je vois réellement le corps de Zephilis que je comprends que cette force me dépasse, m’envahis et me submerge. Elle me revitalise ! J’ai presque envie de sourire, c’est si jouissif que je ne sens plus la peur qu’incarne le maître. Je ne ressens que l’envie de me battre. Mes membres tremblent d’excitation, c’est l’effet d’une douche froide.

Plus cette puissance grandit plus Zephilis a l’air heureuse, elle sourit et se concentre d’avantage, je perçois qu’elle ne se bat plus pour rire bien qu’elle garde un avantage certain, un avantage qui m’agace.

 

- Tu le sens, n’est-ce pas ? Me demande-t-elle.

 

Elle plonge brusquement sa main sur mon ventre, une drôle de sensation m’envahit alors que son visage est si proche du mien. La frustration revient à nouveau, quelque chose s’agite dans mon ventre, quelque chose qui me donne l’impression d’être cloitré.

 

- Il s’agite, il veut sortir, il veut te dominer car tu lui plais… Il aime les défis, je te l’ai déjà dit ! Quoi de plus excitant qu’un garçon qui lui tient aussi longtemps tête ?!

 

Je m’écarte brusquement d’elle. Cette rage n’a pas diminué, cet air sarcastique, cette façon de dominer les gens, j’ai l’impression d’être devant l’Oracle !

 

En pensant à lui, je sens mon aura exploser, je ne peux plus faire un seul mouvement, ma vue devient claire, je sens toute la pleine puissance m’imprégner. Il me domine, je le sens comme si je plongeais dans un sable mouvant qui m’engloutit. Je fixe intensément les yeux de Zephilis qui jubile, son visage se déforme brusquement, son sourire s’efface, ses yeux s’exorbitent. Elle ne bouge plus mais l’effroi se lit sur son visage, la couleur de son visage devient si pâle que Lillyan devient inquiet.

 

Ce n’est plus moi, ce n’est plus mon esprit qui me contrôle, c’est un démon qui me possède. Ce démon se nourrit de mes envies de vengeance, de ma frustration, de mes impuissances, de mes inquiétudes et de mes doutes. Il répare les injustices à sa façon, il punit ceux qui me font du mal.

 

A cet instant, ce n’est pas Zephilis que j’ai en face de moi, c’est l’Oracle, mon père, le général, Raine, Zenon, mes professeurs, tous les Agoriens ! Ils m’apportent tous leur lot de stress que je contiens jusqu’à vomir !

 

Lillyan fait un autre pas. Zephilis ne daigne pas bouger mais son visage tremble lentement et ses lèvres s’écartent. C’est une vision apocalyptique que je lui transmets, pour son esprit, tout est réel. Les morts sur le sol qui s’effondrent, qui lui sautent dessus pour l’emporter au plus profond des abysses, dévorant sa chair. Etrangement, malgré moi, le coin de mes lèvres forme le début d’un sourire, mes yeux noirs deviennent perfides. La tension est presque démoniaque.

 

- Shin !

 

Sa voix. C’est comme une douche froide, Lillyan est posté devant moi, devant Zephilis, il me foudroie sur place et moi je reprends constance. Je crois reprendre mes esprits mais ce n’est pas le cas, Koryu refuse de laisser sa place. Si je peux arrêter Lillyan, il pourra surement m’arrêter. Mais cela n’est encore jamais arrivé.

 

Lillyan s’avance rapidement jusqu’à moi, comme un adversaire, instinctivement, je dégaine à nouveau mon épée mais il a déjà disparu, en l’air, au-dessus de moi, il me fait une fine coupure sur l’épaule. Mon sang sur sa lame.

 

- C’est la première fois que je te contrôle Shin mais c’est pour ton bien.

 

Il lèche la pointe de ses doigts, son regard devient plus dur, ses cheveux virevoltent et une aura meurtrière grandit autour de lui. Cette aura particulière qu’il endosse à chaque fois qu’il prend possession de lui. Cependant, j’ai l’impression que Lillyan l’a accepté, ils cohabitent presque ensemble même si je sens la supériorité de l’esprit du dieu.

 

Je la sens parce que la partie qui m’habite s’enflamme, elle devient plus agitée que jamais. Ils s’appellent l’un à l’autre tout en se repoussant.

 

- Vous êtes synchronisés maintenant, me dit Zephilis. C’est fini pour aujourd’hui.

 

Je me recouvre mes esprits, la vue se brouille et la lumière devient aveuglante. Les rétines me brûlent, mon corps cède comme si je redescendais sur terre, le poids de l’existence ne m’a jamais paru aussi lourd ! Je suis essoufflé, mon cœur s’emballe, j’ai mal partout, j’ai l’impression de mourir à petit feu. Je m’écroule haletant. J’entends Lillyan tomber à son tour, totalement dans les vapes, il a fini par accepter la présence du dieu mais ce n’est toujours pas ça. Je sens que je perds l’équilibre dans la réalité, le sommeil me submerge et m’attire sans me demander mon avis.

Lentement, je refais surface, le réveil n’est pas brutal. Aallongé sur le pont, je me suis évanoui quelques heures. Une couverture m’enveloppe, je me dresse lentement sur mes jambes, encore un peu déboussolé. Lillyan, adossé aux cordages, me fixe avec amour. Un sourire trône sur son visage alors que je reprends peu à peu mes esprits, ses cheveux bruns caressent lentement sa peau. Jalousement, je m’approche de lui pour y plonger mes mains.

 

Je colle mon front au sien, pas un mot n’est prononcé dit, pas mot n’a sa place. Notre conversation muette est plus forte que n’importe quel discours de maître ou de roi ! Il faut ouvrir les yeux sur notre condition. Nous sommes faibles, lents, las de porter ce lourd sac qui ne doit pas nous appartenir. J’ai un instant l’envie de me jeter par-dessus bord, j’ai un instant l’envie de remonter en arrière et de ne jamais avoir découvert cette fosse de cadavres ! Nous étions des garçons forts et intelligents, à présent, nous sommes maudit. Je commence même à douter de notre avenir, faudra-t-il se sacrifier pour ce monde ? Pour que tous vivent en paix ? Devrons-nous sacrifier notre amour pour la vie de peuples qui nous pourchassent, qui veulent nous séparer ?

 

- Je t’aime Lillyan.

 

Le lui avais-je déjà dit ? De vive voix ? Avec autant de sincérité et de peur ? Je ne crois pas. Il se contente de relever mon menton et de m’embrasser avec tendresse.

 

- Ca va gamin ? S’ecrie Zephilis en sortant de la cabine. Tu as bien dormi ?

 

Lillyan et moi la foudroyons du regard, il arque un sourcil interrogateur. Je soupire et m’écarte de mon amant pour m’approcher du maître, sans m’arrêter, je lui assigne une gifle monumentale. Le bruit est accentué par le silence qui pèse au beau milieu de la mer, elle me regarde à nouveau, les lèvres pincées, les yeux plissés, courroucé. Je ne lui rends qu’insensibilité.

 

- Ca te fait jouir de nous voir souffrir ? Tu savais ce qui allait se passer, tu savais qu’en me provocant, tu le libérerais ! Mais tu es peut être complètement maso. Tu voulais tester ma patience ! Tu voulais voir comment Koryu se manifesterait en moi ! Tu avais tout prévu ! Même l’intervention de Lillyan, tu es heureuse de l’avoir obligé à affronter son amant ? De l’avoir obligé à réveiller sa partie le plus obscure pour m’arrêter ? QUEL EST TON BUT AU JUSTE !

 

Je perds à nouveau le contrôle de mes émotions, d’un naturel assez impulsif mais plutôt calme dans mes crises de colère, je m’étonne de hurler de la sorte. Je perds mon assurance mais je terrorise d’avantage.

 

- Vous avez avez eu la résonnance, il y a quelques jours. Aujourd’hui la synchronisation. Maintenant les deux parties se font échos. La prochaine étape, c’est la communication.

 

Elle ne me lâche pas des yeux, sa main toujours sur sa joue droite. Puis elle me tourne brusquement le dos pour regagner sa chambre dans la cabine. Je sens mes poings se desserrer, la haine redescendre. Un tremblement me parcourt brusquement puis je me détends. Lillyan vient se serrer contre moi, entoure ses bras avec ma taille et dépose sa tête entre mes épaules.

 

- Tout est de sa faute.

- Zephilis n’y est pour rien…

- Je parle de l’Oracle ! Tout est de sa faute ! Pourquoi s’est-il laissé dominer ! Il nous a condamnés à vivre avec ce monstre en nous ! Il nous a condamnés à sauver le monde…

 

Alors que ma haine pour l’Oracle grandit à vue d’œil, je ressens soudainement une certaine compassion pour lui. Qu’a-t il ressenti lorsqu’on lui a apprit qu’il est l’Oracle ? Qu’a-t-il ressenti lorsqu’il se savait l’homme le plus fort de l’univers, l’être sur qui compte toute une population ? Comment ne pas devenir fous en sachant tout ça ?

Nous rejoignons Zephilis dans la cabine, Lillyan s’endort rapidement, la tête contre mon torse alors que je ne trouve pas une once de sommeil. Les pensées, les doutes me hantent. Qui suis-je vraiment ? Suis-je Shinrei ? Suis-je un pantin entre les mains d’un dieu ? Trop perturbé pour trouver les bras de Morphée, je suis allé prendre l’air sur le pont.

 

Au beau milieu de la nuit le reflet de la Lune sur l’eau était splendide. Ma mauvaise humeur gâchait toute l’ambiance.

Le tintillement de chaîne qui s’entrechoque me fait sursauter, je regarde à ma gauche prêt à bondir. Ce n’est que maître Zephilis qui regarde la face Lunaire avec une drôle d’expression sur le visage. Elle ne sourit pas, elle ne me toise pas, elle est totalement absorbée par la nuit et n’a même pas remarqué ma présence. Le vent fait tintiller ses chaînes alors qu’elle est perdue, ce même regard que j’ai aperçu dans les yeux du roi Konrad. Ce même regard terne et vide qui me serre la gorge.

 

- Ne me regarde pas comme ça gamin, dit-elle en baissant les yeux.

- Je ne détourne pas le regard pour autant.

- Tu sais, gamin ! Si tu connaissais l’histoire de Koryu, tu ne lui en voudrais pas autant. On croit d’un dieu du mal qu’il ne représente que le mal, comme on croit de l’Oracle qu’il ne peut faire que le bien. C’est tellement plus facile de fermer les yeux.

« Lillyan et toi n’avez toujours rien compris au réel problème de ce bordel ! Tu n’as rien compris à ce que t’a dis Nala et vous croyez tous les deux que ce qui fait l’Oracle, c’est Koryu mais ce n’est pas exactement ça, du moins en partie. Sa réincarnation en vous deux n’est pas non plus anormale, ce n’est pas volontaire. C’est un processus bridé, Koryu devait se réincarner mais il n’est pas complet. Le réel problème, ce sont vos deux existences, vous êtes la conséquence d’un cycle bloqué. »

- Que veux-tu me dire ? Que l’un de nous ne devait pas exister ?

- Non, que vous n’êtes qu’une seule et même personne à l’origine.

- Nous sommes… commençais je à réaliser.

- l’Oracle.

 

« L’Oracle n’est plus l’Oracle. » Je comprends maintenant, il n’est plus car ces successeurs sont déjà là. Le vrai problème est que nous sommes deux, il n’existe qu’un seul successeur habituellement et là nous sommes deux !

 

- Koryu s’est donc divisé en deux parce qu’il avait deux successeurs au lieu d’un… Nous sommes le fruit de la domination du pouvoir de l’ex-Oracle.

- Il aurait dû mourir à votre naissance comme tous les Oracles mais ce ne fut pas le cas.

- C’était donc ça la légende du dragon blanc ? Un dieu du mal qui se réincarne dans l’être représentant le bien pour s’unir et former un parfait équilibre.

- La légende du dragon blanc est plus romantique que ça…Mais ça, tu le découvriras plus tard, me dit-elle en rentrant à nouveau dans la cabine.

 

Nous sommes les successeurs de l’Oracle. Nous sommes les seuls capables de l’anéantir. Je l’imagine dans son palais, encore plus malheureux que nous, le poids d’un pouvoir dominant sur ses épaules, la folie qui l’a gagné peu à peu, les rares moments de lucidité qui le font plonger dans une solitude sans fond.

 

 

Par Danouch - Publié dans : Agora - Communauté : Auteurs Sadiques
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Mardi 30 novembre 2 30 /11 /Nov 10:09

           Qui avait dit que la curiosité était un vilain défaut ? Ce qui est sûr c’est que la curiosité peut faire mal, elle peut faire souffrir ceux qui cède à la tentation. Tel un espion, Kendrian s’était adossé au mur de la maison pour écouter la conversation dans la cuisine, avec une chaleur pareille les parents avaient laissés les fenêtre ouvertes heureusement pour Kendrian. Ce n’était apparemment pas une bonne idée d’écouter aux portes. Toute l’admiration qu’il avait pour cette famille s’est brisée en une phrase, il peut comprendre la colère mais il ne comprend pas l’aveuglement.

 

         Son cœur battait à mesure que le silence de Milan persistait, après tout ce qu’il lui a révélé aujourd’hui il comprendrait que Milan accepte l’offre de son père. Ils sont sa seule famille, ils sont ceux qui l’ont recueillis comme un fils alors qu’il ne l’était pas. Kendrian comprendrait mais n’en souffrirait pas moins, ça pourrait même le tuer, il en est certain. Il n’est sûr que refuser soit non plus une bonne décision, la culpabilité d’avoir privé Milan de sa famille va le ronger également. Pourtant il espère que Milan tourne le dos à ses parents, il espère le plus égoïstement possible qu’il sorte de cette maison pour partir avec Kendrian. C’est certainement le choix le plus difficile qu’il est à faire, le choix qui changera sa vie à tout jamais.

 

- Vous m’aimez ? Demande alors Milan

- Qu’est-ce que c’est que cette question ? S’offusque presque le père

- Est-ce que vous m’aimez ? Comme votre fils.

- Bien sûr qu’on t’aime ! S’empresse de répondre sa mère la voix tremblante

- Alors pourquoi est-ce que vous me faites ça ? Pourquoi me demander de choisir entre l’amour et vous ? Pourquoi ? …Pourquoi me faire souffrir autant ! S’écrie Milan

 

            Ses parents en perdent la parole, Kendrian sent son cœur se serré. Il meurt d’envie de rentrer arracher Milan à cette souffrance, l’emmener avec lui, soigner ses plaies. Soigner son cœur.

 

- C’est pour ton bien qu’on fait ça ! Tu n’es pas gay Milan ! S’énerve son père

- Qu’est-ce que t’en sais ? Tu ne me connais pas ! Tu n’es jamais là ! Tu préfères partir au fin fond du trou du cul du monde plutôt que de rester ne serai-ce qu’une semaine avec ta famille !

Milan explose littéralement.

- Milan ! L’interrompt sa mère

- Arrêtes maman…Ne dis rien. Dit il comme pour se retenir.

- C’est un test c’est ça ? Une rébellion tardive ? Lui demande Ralph

 

               Milan reste silencieux, la question est suspendue dans les airs et Kendrian se fait violence pour ne pas hurler, la curiosité fait décidément de plus en plus mal.

 

- Ce n’est pas un test. C’est moi.

- Tu n’es pas sérieux Milan !

- Je suis très sérieux. Et si vous m’aimiez réellement vous accepteriez mon choix comme de véritable parents…Mais vous ne l’êtes pas…

- Ralph non !!! Hurle la mère

 

                La réaction ne se fit pas attendre, Kendrian n’a put rester un instant de plus sans rien faire, il ouvre la porte et se précipite dans la cuisine pour séparer Milan et son père. Celui-ci rue son fils de coup alors que Milan ne tente même pas de se défendre subissant le courroux irraisonné de son père, les yeux injecté de rage. Kendrian repousse Ralph plus loin tandis qu’il se poste fièrement devant son amant sans grimacer.

 

- Regardez vous. Vous êtes devenu fou. Lâche Kendrian calmement.

 

                 Le père de Milan reprend son souffle difficilement, il se tient à la chaise de la cuisine et la jette brusquement contre le mur toujours dans son élan de colère, Fiona a brusquement sursauter alors que Kendrian est resté immobile.

                Il s’attendait réellement à ce que le père de Milan se défoule sur lui mais ce n’est pas le cas, au lieu de ça il sort le plus rapidement possible de la pièce et de la maison en claquant la porte.

                 Fiona s’écroule en larme, Kendrian va pour aider Milan à se relever mais il était déjà près de sa mère qui tremblait de tous ses membres.

 

- Va t’en ! Dit elle entre deux sanglots, va t’en avant qu’il ne revienne.

 

              Comme toujours Fiona n’avait d’yeux que pour son mari, Milan le savait déjà mais il ne pensait pas que l’entendre de sa bouche pourrait lui faire aussi mal, rejeter comme un fils indigne il s’est levé et à récupérer sa valise tout en attrapant la main de son amant rester immobile. Suivit de près par Kendrian ils montent dans sa voiture garer à quelques mètres de là et démarre sans plus attendre.

               Aucun d’eux n’osent dire quoi que ce soit, Kendrian ne sait même pas où Milan l’emmène. Il roule sans s’arrêter jusqu’à un parking non loin d‘un hôtel au périphérique de la ville. Milan se gare et s‘écroule. Le visage caché dans ses mains, aucun spasme ne le secoue mais il est littéralement achevé. Kendrian se sent mal l’aise, il s’approche maladroitement ne supportant pas de le voir ainsi, il tente de redresser son visage avec délicatesse, Milan est abattu.

              Aucun mot n’est échangé, Kendrian l’attire simplement à lui pour l’enlacer fortement. Une seule question lui brûle les lèvres : a-t-il fait le bon choix ? Va-t-il regretter de s’être ainsi séparer de sa famille ? Cette famille qui n’est pas vraiment la sienne mais qui, au fond, a toujours été là. Décidemment Kendrian n’est vraiment pas bon pour réconforter les autres, même lorsqu’il s’agit de celui qu’il aime. En réalité, personne ne réussirai à le réconforter, les mots seraient inutiles car ils n’effaceront jamais cette sensation de trahison et d’abandon. Encore cette sensation.

Milan n’a pas pleuré, il n’a même pas gémit, il est resté silencieux, pensif au cœur des bras de son amant. Il est resté ainsi, passif contre sa poitrine. Kendrian aurait put jurer qu’ils étaient restés ainsi une éternité. Il fallait pourtant bien se quitter pour partir, même si le cœur n’y était pas, Milan s’est redressé et a remis le contact. Cette fois Kendrian sait pertinemment qu’ils iront chez lui.

 

- On ne peut pas dire que ce fut une excellente journée, finit par lâcher Milan affalé sur le canapé.

Kendrian reste muet assis sur la table basse face à lui.

- Je crois que je suis fatigué, j’ai envie de partir…

- Partir ? Demande surpris Kendrian

- Oui. Partir ailleurs, dans une autre ville, pour une autre vie. Oublier tout ça ou du moins réussir à vivre avec. Plus je serai loin d’eux et moins ça ce sera difficile, pas vrai ?

- Peut être.

- Tu viendrais avec moi ?

Kendrian cligne plusieurs fois des yeux.

- C’est normale nan ? Sourit Milan, je n’ai pas affronté mes parents pour te laisser m’échapper. Tu viendrais, n’est-ce pas ?

 

             Malgré lui, Milan laisse échapper une petite pointe d’inquiétude dans sa question. Dis lui oui Kendrian ! Pourquoi tu ne lui dis pas ? C’est pourtant évident que t’irai avec lui…mais…Tu partirais alors de ta ville natale. Tu partirais loin de ton travail, de tes amis, Stan, Coralie et les autres. Tu irais dans un endroit inconnu. C’est sûr ! Mais tu serais avec Milan…Juste toi et Milan. Comme dans tes rêves les plus fous.

 

- Je n’arriverai pas à rester ici, en sachant que tu n’y es plus. Lui répond Kendrian.

 

            Abandonner son passé pour un futur aux côtés de Milan ? La question ne se pose même pas ! Il a tellement espéré vivre ça qu’il ne pourrait pas le laisser s’enfuir, il touche enfin le bonheur du bout des doigts, il est prêt à le saisir d’une poigne ferme ! Il n’est pas encore assez stupide pour laisser tomber. Qui le ferai d’ailleurs ? Il n’a aucune attache dans cette ville, il s’en irai ainsi loin de ses souvenirs de jeunesses, loin du souvenir de sa mère, loin des soirées à déprimer.

            Il vivra enfin son rêve. Il vivra enfin tout simplement. Milan sourit tendrement, Kendrian ne réfléchis jamais très longtemps, si il a une idée en tête alors il la suivra, coûte que coûte. C’est peut être cette inscience qui l’a fait craqué, qu’il l’a fait renoncer à tout. Dire qu’il croyait ne pas pouvoir l’aimer plus.

            Ce projet n’est pas aussi impossible, il est même très probable.

 

- Alors partons, murmure Milan en s’approchant des lèvres de Kendrian.

Un baiser et ce fut une promesse scellés.

 

                Loin des rancœurs, loin de leurs erreurs, ils s’en iront.

 

- Demain ? Demande Kendrian avec sérieux.

 

               Milan reste un instant surpris puis il éclate d’un franc rire, un rire à s’en faire mal au ventre. Kendrian ne comprenait pas tellement ce qu’il y avait de drôle mais il s’en fichait, il n’avait pas le cœur à se vexer, il n’avait pas à le cœur à stopper cet instant où le visage de Milan rayonnait. Il sourit à son tour, sans retenue et sans cesser de le regarder.

               Les amants sont partis se coucher tard dans la nuit, il était d’ailleurs déjà tôt le matin. Les réveille sont toujours aussi difficile pour Kendrian mais il devait partir travailler, il quitte alors le lit douillet pour se plonger dans une douche bien chaude. En faisant attention ne de pas réveiller Milan il attrape des habits propres et les enfiles silencieusement, un baiser sur l’épaule du beau brun avant de partir à pas de loup de l’appartement.

La journée de travail s’est bien déroulée, il n’avait pas le temps de penser aux faits passés, il n’avait même pas le temps de rêvasser sur Milan tant il avait à faire. Ce qu’est qu’à la fermeture, épuisé, qu’il a put enfin se détendre. Un dernier coup de chiffon sur la dernière table et il s’écroule sur un tabouret du bar.

 

- Dure journée ! Il y a eut énormément de monde aujourd’hui, sourit Warren en comptant sa caisse.

- Pas faux. N’oublie pas de fermer derrière.

 

             Il était tard, minuit passé, Milan s’inquiétait peut être mais Kendrian n’avait pas le force de courir pour attraper le

prochain bus. Assit sur les banc de l’abribus, le visage collé sur la vitre fraîche il sent que la fatigue l’assomme à mesure que les minutes défilent. Il s’autorise un instant de faiblesse mais c’était l’instant de trop, il sombre tout aussi vite dans un monde de rêve.

 

               La pièce était sombre et sur les murs dansaient les ombres de la télé, sa mère était allongée sur le canapé comme toujours à cuver. Son père était là aussi, près d’elle, il la regardait avec amour mais aussi avec douleur, il la regardait une dernière fois avant de prendre la terrible décision de partir. Kendrian n’était qu’un enfant mais il avait déjà tout compris, il savait déjà que c’était la dernière fois qu’il voyait son père. Il l’a vu, caché derrière le mur, son père s’approche de lui alors lentement, Kendrian ne tente même pas de s’enfuir. De sa grande taille il s’accroupit pour être à sa hauteur et l’attrape par les épaules, il le fixe intensément pendant quelques secondes. Un voile de souffrance avait assombrit ses beaux yeux gris dont Kendrian a hérité.

 

« Prend soin de ta mère… »

 

              Il est plus facile de rejeter ses obligations sur les épaules d’un enfant, il est plus facile de fuir et de condamner son propre fils à vivre avec ses erreurs. Il a été lâche et égoïste. Si elle est morte, c’est à cause de lui, tout est de sa faute. Complètement de sa faute.

               Elle avait tellement pleuré, elle avait tellement bu. Kendrian n’était qu’un enfant qui comprenait que trop bien qu’on l’avait enfermé.

 

- Kendrian ? Debout ! Hey !

Kendrian sort de son sommeil.

- Il y a que toi pour dormir dans des endroits pareils !

- Stan ?

 

            En effet c’était bien Stan, avait un petit quelque chose de différent. Kendrian cligne plusieurs fois des yeux en voyant le nouveau look de Stan, plus aucun piercing, pas d’habit déchiré, pas de joint dans les mains. Etais ce vraiment lui ou rêve-t-il toujours ?

 

- C’est quoi ce style ? Lui demande Kendrian en émergeant lentement.

- Ca te plait pas ? Bah ça plait à Hugo ! J’en avais marre de me prendre les piercing dans les draps, il fallait que je change un peu.

- T’as toujours des trous partout t’es au courant ? Se moque un peu Kendrian

- Ca va cicatriser, Stan sort une cigarette, tu rentres ?

Kendrian affirme en se grattant la tête.

- Quel heure il est ? Il demande un peu inquiet.

- Une heure moins vingt.

- Oh merde…

- Quoi ?

- T’es venu en voiture ? Demande Kendrian.

- Je serai pas ici si j’étais venu en voiture, rit Stan en s’essayant à côté de lui.

 

             Le bus est passé il y a dix minutes, le voilà partie pour atteindre encore vingt minutes. Merde. Si il ne s’était pas endormie comme une marmotte il serai arrivé chez lui, suppliant Milan de lui faire un message et de le laver parce qu’il n’en aurait pas la force.

 

- Alors avec Milan ? Comment ça se passe ?

- Il est chez moi. Normalement…

- Je vois que tout va bien. Je suis content. T’as des nouvelles d’Eileen ?

- Pas depuis avant-hier.

 

             C’est vrai qu’elle ne lui a pas envoyer de message depuis, elle ne va pourtant pas tarder à être au courant pour la dispute d’hier. Connaissant Eileen elle serait capable de faire tout le voyage d’Australie pour venir réconforter son frère, elle serait même capable d’aller engueuler ses parents. Et Kendrian veut bien avouer que la revoir lui ferai un bien fou.

 

- Quelque chose ne va pas Kendrian ? Demande Stan intrigué

- Milan a dit à ses parents pour nous.

- SERIEUX ? S’écrie Stan

Kendrian affirme.

- Quand ?

- Hier soir.

- Et ?

- En fait son père nous a surpris entrain de nous rhabiller, Milan m’a foutu dehors pour discuter avec son père, il l’a viré, puis il lui a demandé de revenir vers la voie de la sagesse, Milan a refusé, son père a voulu le frapper, je suis entrer, son père est sorti furieux et nous sommes partis à notre tour.

- Oh…, Stan perd de son excitation.

- Il était abattu.

- Je le comprends, répond faiblement Stan.

 

               Kendrian se souviens de ce que lui avait avoué Stan une fois, ses parents l’avaient foutus dehors n’acceptant pas son homosexualité, il sait mieux que quiconque ce que Milan ressent. En lui parlant de ce qui c’était passé il avait réveillé des souvenirs gênant, ce qui plonge l’ambiance dans une tension dramatique.

              Quelques minutes plongés dans le silence et le bus fait son apparition, ils montent tous les deux à l’intérieur et s’installe sur les premiers sièges, le bus étant vide ils avaient le choix. Stan n’a pas arrêté de fumer ce qui ne semble pas déranger le chauffeur qui devait à moitié somnoler en conduisant. Kendrian regarde les rues défilés sans vraiment les voir. Il imagine Milan seul dans l’appartement, il espère juste ne pas le retrouver en larmes.

 

- T’inquiètes pas pour Milan. Il est plus fort que ce que tu crois. Je sais qu’il encaisse pas mal les coups.

- Je crois pas qu’il soit si fort que ça. Répond Kendrian.

- En tout cas, tu es là donc tout va bien.

 

             Ils arrivent devant leur immeuble, Stan salue Kendrian sur le pas de sa porte et l’ouvre avec la plus grande attention. Il n’a pas envie de réveiller Hugo. A mesure que le dos souriant de Stan disparaît Kendrian sent son coeur se serré, il n'a pas osé lui dire qu'il allait sans doute bientôt partir. Kendrian en fait de même mais il laisse tomber lorsqu’il voit la lumière allumée, une bonne odeur de café planant dans l’air.

             Milan est assit sur la table au milieu de la pièce, plonger dans ses bouquins et une tasse de café fumante devant lui.

 

- Tu travailles ? S’étonne Kendrian.

- Faut bien si je veux avoir mon concours, sourit Milan.

 

         Ils s’embrassent amoureusement sans pour autant se jeter dessus, Kendrian jubile il a l’impression d’être un petit couple, il n’arrive pas à s’empêcher d’en être heureux comme une jeune pucelle.

Il se secoue la tête et se dépêche d’aller dans la salle de bain pour se déshabiller et mettre son short pyjama. A la vue du lit il meurt d’envie de se jeter dessus, à la minute où son corps plongerait dans les draps le sommeil l’emportera aussi tôt. Il retourne dans le salon d’abord où Milan travaille encore.

 

- Je vais me coucher, annonce Kendrian trainant des pieds.

- Je te rejoins dans deux minutes.

 

            Kendrian acquiesce mais ne peut l’attendre, c’est une torture de garder les yeux ouvert. Il s’effondre avec bonheur dans le lit avant de fermer les yeux. Milan n’arrive que quelques minutes après comme prévu, mais Kendrian est déjà assoupit. Couvert de la tête au pied il ne laisse que quelques mèches de cheveux dépasser. Un sourire tendre apparaît sur le visage de Milan, se sentir près de lui, il n’y que ça qui le tient encore debout.

 

- Je t’aime, murmure Milan en se couchant près de son amant.

- Kiwi…non…

Milan laisse échapper un rire avant d’éteindre sa lampe de chevet.

 

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YOUHOUUUUU !!! J'aime bien ce chapitre  !! =) J'espère qu'il ne vous a pas deçu je sais que vous auriez aimer que Milan soit un vrai salopard mais il aura encore l'occasion de l'être :p

 

JE VOUS AIME TOUJOURS mais vous, est-ce que vous m'aimez ??? Je commence à en douter :(

 

BISOUS

Par Danouch - Publié dans : La dernière fois avant la prochaine - Communauté : Auteurs Sadiques
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Mercredi 10 novembre 3 10 /11 /Nov 11:17

Si mon corps est en surchauffe, ma tête est terriblement froide. Je suis non seulement conscient de mes actes mais en plus, je les cautionne. Certes, je n’ai pas l’impression d’avoir le contrôle de mon corps, celui-ci n’étant que la personnification du formidable pouvoir qui bouillonne en moi.

 

Aujourd’hui, je ne cherche pas à le brider ou à l’étouffer. J’ai compris l’incohérente contradiction : depuis le début,  cette entité est perçue dangereuse et agressive, ce qui me fait adopter une position défensive vis-à-vis d’elle et négative or, pour l’exploiter dans toute sa splendeur, nous devons au contraire collaborer et pour cela, je dois me familiariser avec elle avant de seulement songer à la contrôler.

 

Trouver un compromis : c’est la seule manière pour nous de vivre parce que nous sommes dépendants l’un de l’autre maintenant qu’il s’est réveillé. Je ne sais pas encore très bien comment ça marche mais quand j’ai décidé de me réfugier dans mon esprit pour oublier la douleur physique qui devenait insurmontable, mon pouvoir a pris possession de mon corps et lui a redonné vie au moment où mon cœur allait lâcher prise.

 

Dès que Shin a quitté la place, les soldats sont venus m’observer, m’examiner, me toucher, faire des expériences pour découvrir tous les aspects d’un corps d’un homme capable de coucher avec un autre. La douleur de la déchirure a été d’autant plus forte que cet endroit de ma personne était vierge. Acculé et cerné de toutes parts, les hommes riant de ma douleur, mon pouvoir a jailli : mon instinct animal a pris le pas sur ma raison. Exactement. Ma sauvagerie ne pouvait être autre qu’animale, il arrive à un moment où toutes les réticences naturelles, tous les freins lâchent, les câbles sautent et la folie jaillit. Le plus étrange, c’est que je me sens en paix avec moi-même ou plutôt en osmose, éprouvant enfin la joie d’être entier. Et je comprends que si mon esprit était si fragile, c’est parce qu’il refusait de cohabiter à cause de la peur. Mais quelle peur ?

 

Je suis invincible !

 

Soudain, mes sens, poussés à l’extrême, identifient une menace. Je cherche, renifle, hume l’air mais ne sens rien. Face à cette puissance capable d’égaliser la mienne, mon corps s’excite et ne tient plus en place. Je prends cependant le temps d’analyser la situation. Je distingue deux puissances distinctes, des puissances dont la nature est plus subtile qu’une simple menace. Une certaine répugnance d’abord, je connais cette présence mais je ne l’apprécie pas, et une source d’apaisement, de soulagement ensuite. Je me concentre sur cet aspect qui me hérisse dans le sens du poil, qui m’attire et je suis vite capable de nommer cette attirance.

 

Mon lien avec Shin prend une toute autre forme : l’amour et la confiance que je lui porte se nuancent. Je prends conscience que notre lien n’est pas seulement physique et spirituel, c’est plus complexe que ça…  Le Koryu présent en lui réagit à ma présence et inversement. Le temps s’arrête, l’air s’immobilise, la douleur s’efface complètement. Moi qui croyais tout à l’heure être plein et entier en acceptant la coexistence avec mon pouvoir, je me rends compte que j’étais bien loin de la vérité et je comprends à quel point les sentiments que nous éprouvions l’un pour l’autre sont bien plus solides qu’un simple amour de jeunesse.

 

C’est difficile à expliquer, à rationnaliser, à mesurer. Nos sentiments étaient déjà forts pour notre jeune âge et surtout notre sexualité, c’est difficile de croire qu’ils vont encore au-delà. C’est presque destructeur car finalement notre personnalité se trouve annihilée, toutes les particularités que nous apprécions l’un chez l’autre fusionnent et disparaissent.

 

Cette appréhension rompt brusquement l’harmonie de ce lien trop puissant. Dire que je venais d’accepter cette présence étrangère en moi, apparemment, ce ne sera pas aussi simple, à moins que tout ne soit que question d’équilibre.

Le retour à la réalité est brutal, la chute douloureuse. J’ai l’impression au moment où les bras de mon amant me soulèvent, les effets de la résonnance n’étant pas totalement dissipés, et je le rejette violemment, le souffle court. Je panique, mes membres tremblent et mes yeux se mouillent.  

 

Ce n’est que lorsque je croise son regard, tellement pur et profond, que je me calme et me laisse emporter par la fatigue.

-       T’endors pas maintenant, Lillyan, on pourra jamais partir d’ici si tu nous lâches.

-       Etant donné le zèle dont tu fais toujours preuve dans tes missions, le simple fait de respirer m’est difficile. Tu crois vraiment que je suis capable de courir toute la nuit ? Le réprimandé-je difficilement.

Je n’ai pas besoin de son air désolé pour savoir à quel point l’épreuve a été aussi difficile pour moi que pour lui et il n’a pas à se justifier. C’était nécessaire et il a rempli sa mission mais il ne peut pas non plus me demander de décrocher la lune dans mon état.

-       Le roi nous a laissés une heure pour regagner la plage, m’explique-t-il sans se perdre dans des retrouvailles larmoyantes, mais avec ce qui s’est passé, nous  pouvons dire adieu à la discrétion et il faut nous dépêcher.

-       Très bien, capitulai-je en grimaçant sous la douleur. Allons-y.

Je me relève péniblement, mon dos proteste contre ce traitement en hurlant et les larmes coulent définitivement. Je secoue la tête, serre les dents et avance. Je puise dans mes dernières ressources, je songe avec ironie que j’aurai bien besoin de soutien psychique, là… Au lieu de trucider tout le monde, il pourrait être utile de temps en temps.

 

Je suis quasiment traîné par Shin en arrivant à la plage. Je me redresse en voyant que le roi lui-même honore notre départ de sa présence. Je me contracte en constatant que des soldats l’accompagnent mais je ne parviens pas à empêcher mes yeux de se fermer.

 

Des mots sont échangés mais je suis incapable de suivre. Tout ce que je veux, c’est m’allonger, avec ou sans lit, qu’il soit douillet ou pas. D’ailleurs, si Shin daignait me laisser tomber, je m’endormirais comme une masse.

 

Je crois que j’ai quand même fini par m’évanouir car j’ai repris conscience dans un lit, chaudement blotti dans des couvertures, allongé sur le ventre pour soulager mon dos. Ce n’est pas Shin que je vois en me réveillant mais une femme dont l’aura est trop puissante pour être saine.

-       La belle au bois dormant est enfin réveillée, me dit-elle moqueuse.

-       Où est Shin ?

-       Sur le pont. Je lui ai conseillé de prendre l’air après avoir passé tout ce temps à te veiller dans la cabine.

-       Vous saviez que j’allais me réveiller et vous l’avez éloigné ? Lui reproché-je.

En vérité, au fond de moi, je me sens soulagé de ne pas lui faire face dès mon réveil et elle ne se laisse pas berner. Alors ce serait elle maître Zéphilis ? Son collier et ses bracelets me révulsent même si je crois comprendre leur utilité. 

-       Ce n’est pas ma faute s’il ne sait pas regarder et puis ça va, c’est pas comme si tu sortais d’un long séjour passé dans le coma. Heureusement pour nous d’ailleurs…

-       Combien de temps suis-je resté évanoui ?

-       Il a fallu cinq jours à ton corps pour se soigner et se reposer. Je ne vais pas dire que tu serais capable de courir un marathon mais au moins pourras-tu te déplacer sans trop nous ralentir.

-       C’est sûr que si nous sommes en mer, je ne vous handicaperai pas trop, répliquai-je.

Le silence s’installe mais ne cache pas la tension qui nous habite, moi sachant qu’elle voulait me parler mais sans lui en donner la possibilité et elle titillant ma curiosité à garder le silence. C’est ridicule, je l’admets mais nous en restons là avec l’apparition de mon amant.

 

Comme toujours, je n’ai pas pu lui cacher bien longtemps mon retour. Il pose la main sur mon front pour constater avec soulagement l’absence de température avant de m’embrasser tendrement. Toute conversation sérieuse est mise entre parenthèses pour me laisser reprendre les esprits et déguster mon maigre repas.

-       Désolé mais nous devons nous rationner pour tenir jusqu’à ce que nous soyons arrivés à destination.

Je hoche la tête.

-       Tu devrais profiter du voyage pour te reposer, nous aurons beaucoup de travail à Cléone, me conseille-t-il en me prenant la main. 

-       Sauf que nous ne sommes pas en vacances, intervient la femme, et que la situation est plus grave que ce que je craignais. 

-       Comment ça, plus grave ? M’inquiété-je.

-       L’autre jour, vous avez réalisé votre première résonnance. Certes, ma présence n’y est pas étrangère mais puisque je suis condamnée à vous suivre jusqu’à la fin de votre périple, nous devons à tout prix encadrer votre pouvoir, à défaut, il vous annihilera.

-       Oui, c’est ce que j’ai ressenti également, admis-je à contrecœur. C’était bizarre parce que j’avais enfin l’impression d’être entier mais au lieu d’être plus stable, cette intégrité menaçait ma personnalité.

Maître Zéphilis hoche la tête.

-       L’anomalie provoquée par l’Oracle a perturbé le cycle de vie de Koryu qui s’est divisé en deux. Cependant, à la base, le dragon se réintègre tout entier dans une seule et unique personne et vous ne devez pas perdre de vue qu’il cherchera toujours à redevenir l’unique entité qu’il était. Le processus arrive à son stade final : votre pouvoir s’est d’abord réveillé, ensuite, il a explosé sans que vous ne parveniez à le contrôler et si vous continuez dans cette lignée, il finira par vous engloutir complètement.

-       Mais ça veut dire que Lillyan va bientôt être englouti ? S’alarme mon amant.

-       De ce que j’ai constaté, il semble effectivement que Lillyan soit bien plus avancé dans le processus de destruction que Shinrei. Ce n’est cependant pas aussi simple parce qu’il s’est beaucoup plus familiarisé avec son pouvoir que toi, Shinrei, et c’est toi qui risques de te faire avaler par lui vu que tu es plus faible.

-       Je vous arrête tout de suite, je ne sais pas du tout maîtriser mon pouvoir.

-       Non mais petit à petit, tu t’habitues à lui. C’est donc sur toi que nous allons concentrer nos efforts. Cela ne signifie pas que Shin se reposera sur ses lauriers puisque vous aurez besoin d’unifier votre pouvoir pour vaincre l’Oracle.

-       Etre suffisamment fort pour contrôler et non pas subir, résume Shin. Mais comment être assez fort pour maîtriser ce pouvoir ? Je veux dire… avec quoi pouvons-nous le contrer ?

-       En vous fortifiant l’esprit, le cœur et le corps. C’est votre enveloppe, pas la sienne, mais on parle de Koryu, là… La tâche est loin d’être simple. Quel genre d’entraînement suivez-vous ?

-       On s’entraîne tous les matins au combat à l’épée ou au poing et depuis peu, je m’entraîne avec moi-même, exposé-je.

-       C’est-à-dire ?

-       Je suis un manipulateur corporel et j’essaie de me familiariser avec mon pouvoir après l’avoir tenu secret pendant si longtemps.

-       Je vois…Vous n’avez pas une seule seconde penser aux dégâts que vous auriez pu causer ?! Me sermonne-t-elle C’est complètement inconscient de procéder de cette manière sans aucun garde-fou ou maître pour te guider. De véritables catastrophes…

-       Ecoutez, l’arrêté-je, au cas où vous ne l’avez pas compris, nous avons quelques… difficultés à passer inaperçus… D’autant que je viens d’une région où la manipulation est interdite et conduit à l’échafaud son détenteur. Vous-même avez rechigné à nous suivre et je suis sûr que, sans Koryu, vous serez restée bien sagement enfermer dans votre tour.

-       Tu m’excuseras mais j’ai passé l’âge de jouer à la poupée, gamin !

-       Alors venez pas nous parler après. Ça nous plait pas non plus de nous faire courser par tous les soldats de l’empire et de se ramasser au moindre faux pas.

-       Je comprends mieux pourquoi Koryu t’a choisi. C’est tout à fait ce genre de caractère enflammé qui lui permet de s’épanouir, incapable de tenir en place et prendre la mouche. C’est même un miracle que tu ne sois pas totalement englouti.

Au moment où j’ouvre la bouche pour répliquer, je réalise qu’elle me provoque et que je rentre dans son jeu mais, en même temps, je sais que je vais passer mon temps à ressasser ses mots dans mon esprit si je ne me défends pas.

 

Le silence nous pèse, je le défie du regard, bouillant de rage.

-       Le corps, le cœur et l’esprit, le premier étant bien évidemment le plus facile à maitriser. Si tu te laisses dépasser par tes émotions à la moindre provocation, maintenant que ton pouvoir s’est réveillé et que tu te laisses séduire par lui, tu ne risques pas de faire long feu, m’assène-t-elle. Demain, première heure, début de l’entraînement intensif, conclut-elle en sortant.

-       Je la déteste, commentai-je après son départ.

-       Elle a malheureusement raison. C’est vrai que j’ai toujours été beaucoup plus réservé que toi et au final, je n’ai pas eu tellement d’expériences désagréables.

-       Ouais mais toi aussi, tu t’entraînes en secret. Et évidemment, t’as préféré fermé ta gueule, crachai-je plus crument que je ne l’aurai cru.

 

Il baisse la tête et n’ose pas répliquer. Il sait que je monterai d’un cran s’il réplique mais je crois surtout qu’il a du mal à digérer le traitement qu’il m’a fait subir et qui me rend si irascible. Non, en fait, ce n’est pas ça qui m’a rendu irascible mais les remarque de l’autre dès mon réveil après une douloureuse épreuve. Elle se la joue avec des grands airs, Mademoiselle je-sais-tout qui nous prend pour de la merde !

 

Je me sens bête de reporter ma colère sur mon amant mais je n’arrive pas à me rétracter et m’excuser. Je suis au bout du rouleau, j’en peux plus, cette tension…  Cette épreuve m’a cruellement fait ressentir la différence de niveau entre lui et moi. Il n’avait pas hésité une seconde à endosser ce rôle pour nous sauver tous les deux, moi, je sais que j’en aurai incapable et que je me serai laissé dévorer par mon pouvoir. La prestance et le charisme qu’il dégage ne sont pas non plus les mêmes et je suis jaloux de voir que son nom continue de lui ouvrir alors qu’on doit parler de moi comme du premier exilé  dans pratiquement toute l’histoire d’Agora. Une bête monstrueuse, assoiffée de sang et chair…

 

Et voilà, je pars dans mon délire. Je me tourne mais mon dos me fait encore mal. Trahi par mon propre corps, je me contente de tourner la tête à gauche face à la paroi de la cabine.  Je suis encore plus dépité en entendant Shin partir. Je tends le bras par réflexe et le frôle. Il s’arrête sans oser bouger, la tension monte. Je ne veux pas lui parler et lui sortir des obscénités idiotes et sans fondement, j’ai besoin de sa présence pour me calmer. S’il part, ça voudra dire que j’ai vraiment tout raté.

 

Il comprend le message, serre ma main dans la sienne et je ne peux ignorer ses larmes. Pour lui aussi, la tension a été grande et nous avons besoin de souffler tous les deux au lieu de commencer à se déchirer. Je tourne à nouveau la tête pour lui faire face et me blottis contre son torse où je respire enfin. Je passe mes bras autour de ses hanches et savoure cet instant de bien-être. A un court moment, j’ai eu peur de me faire avaler par le Koryu en lui mais non.

 

J’ai l’impression que ça fait une éternité que je ne l’ai pas serré ainsi dans mes bras et c’est si bon que j’ai envie de le manger tout cru. D’ailleurs, Koryu devra me passer sur le corps s’il veut le manger. Je le tire jusque sur le lit et il s’allonge à côté de moi. Dans la pénombre de la chambre, il retire son bandeau et plante son regard dans le mien.

 

Son regard aussi noir que le mien est blanc. Le Ying et le Yang, les dieux, ils peuvent tous aller voir ailleurs, personne ne m’enlèvera mon amant.

-       Je suis désolé, murmure-t-il.

-       Je sais, répondis-je sur le même ton pour ne pas le brusquer, arrête de te faire du mal pour rien. C’est moi qui ai tout foutu en l’air. On va s’entraîner et on sera les meilleurs…

-       Non, je sais qu’à nous deux, personne ne peut nous battre et je t’ai laissé tout seul et… ils t’ont…

Il avait dû comprendre ce qui m’était arrivé en soignant mes plaies. J’ai un peu honte de me montrer comme ça mais il vaut peut-être mieux tout se dire plutôt que de rester sur des non-dits pour ménager la susceptibilité de l’autre.

-       C’est fait, Shin, arrête de te faire du mal pour rien. Tu as rempli ta mission et c’est le plus important. Je la déteste mais je dois bien reconnaître qu’elle dégage une puissante aura.

-       Oui, admet-il, ça bouillonne en moi depuis que je l’ai rencontrée, comme si la moitié de Koryu en moi percevait sa présence.

-       Elle est pleine de mystères.

-       Peut-être même plus que nous…

-       Je reconnais que c’est le noir total pour moi.

-       Dès que j’ai l’impression de comprendre un peu, j’en apprends d’autres qui me fait perdre le fil, soupire-t-il. Je renonce à comprendre maintenant.

Je ris doucement et le serre d’avantage contre moi. Son corps m’appelle et je ne peux pas lui résister. Cependant, je ne suis pas rassuré après ce qui s’est passé tout à l’heure et malgré moi, les mots du roi de Kalin selon lesquels une union était nécessaire pour faire exploser la pleine puissance de Koryu me reviennent en mémoire. Que voulait-il dire exactement ? Je commence à croire que sa formulation n’était pas si maladroite. 

 

Je me raidis mais ne résiste pas longtemps à ses caresses qui me massent lascivement la nuque. Mes lèvres s’apposent tendrement sur les siennes, les barrières cèdent et c’est une explosion de sensations qui jaillit en moi quand nos langues se retrouvent enfin. Ce sentiment ne peut pas être artificiel, dicté seulement par les deux moitiés de Koryu qui s’appellent constamment. C’est un sentiment pur, qui fait battre nos cœurs de bonheur. Ensembles, nous ne pouvons pas rester pas longtemps déprimés ou abattus, nous nous rassurons mutuellement. Ça fait tellement longtemps qu’on se connaît que nous nous complétons, le reste est artificiel.

 

Mes mains câlinent et titillent sa peau pour l’exciter.

-       Ne me cherche pas si tu n’as pas l’intention de me trouver, me menace-t-il.

-       Je ne suis pas un obsédé du sexe mais je ne me rassasierai jamais assez de ton corps.

-       T’es pas innocent en la matière…

-       Certes mais pas ce soir… je suis fatigué.

-       Petite nature.

Je n’ai pas la force de répliquer, le sommeil m’emporte déjà. Je me blottis contre mon amant dans l’espoir qu’il me  servira de bouclier contre les mauvais rêves.

 

_____________________________________________________________________________________________

 

Voilà j'ai publié mon retard, sachez que nous en sommes à un peu près 46 chapitre si je me souviens bien et nous avons bientôt finit ! HI =)

 

J'espère que vous êtes contentes de cette suite même si elle est pas si réjouissante XD

Par Danouch - Publié dans : Agora - Communauté : Auteurs Sadiques
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Mercredi 10 novembre 3 10 /11 /Nov 10:38

Il vient de s’évanouir à nouveau, je garde le regard dur même si, à chaque fois que je le frappe, je sens mon cœur se déchirer. Il ne m’en voudra pas, c’est pour notre survie.

 

Je jette le fouet par terre avec agressivité et jette un regard menaçant aux soldats qui se raidissent les uns après les autres.

 

-       Décrochez-le et attachez-le ! Le premier qui osera lever la main sur lui je me ferai un plaisir de la lui arracher, c’est bien clair ? C’est MON prisonnier.

-       Bien monsieur !

 

Les soldats s’exécutent comme des machines. J’observe d’un coup d’œil le tact qu’ils mettent à le redescendre, quelque part je suis un peu soulagé, je sais qu’ils m’obéiront tant que je garderai cette façade. Je serre les poings, une furieuse envie de me flageller tant j’ai honte d’avoir fait subir ça à mon amant mais je n’avais pas le choix ! Ils nous auraient tués si je ne m’étais pas présenté comme un guerrier sous couverture. Cela dit, je ne me doutais pas une seconde que l’Oracle arriverait dans une semaine. Si l’un d’eux ne me l’avait pas dit, nous aurions été piégés.

 

Amon et Raine avaient bien vu, ils nous suivent à la trace.

 

-       Monsieur Mauran ?

-       Oui ?

 

Je me retourne alors que je me dirigeais vers la tente du commandant, un soldat m’interpelle, le regard haut et les épaules droites. Il me tend des effets de l’armée d’Agora avec l’épée qu’ils m’avaient retirée après nous avoir capturés. Il faut avouer qu’on s’est fait avoir comme des débutants ! Ce que nous croyons n’être qu’une petite bande d’ivrognes et paysans des montagnes d’Eria n’étaient pas si inoffensifs. Une trentaine de gardes ont débarqué en moins de deux minutes et seuls face à des guerriers d’élites, je ne pouvais pas faire le poids même si j’étais dans mon élément. Lillyan aurait surement été tué et moi salement amoché. Il faut savoir être raisonnable et rusé au lieu de jouer des poings.

 

Je me suis alors présenté comme fils de l’Amiral, espion de l’Oracle auprès de Lillyan, la totale quoi ! Ils m’ont immédiatement cru et emmené au camp de base le plus proche de la capitale. Le commandant était plus sceptique en me voyant et m’a tendu son gant pour me venger de mon amant. Je ne pouvais refuser, ni hésiter, il l’aurait senti et se serait fait un joie de me couper la tête. Je devais le faire. En attendant, il sera en sécurité même si il est gravement blessé, je ne peux ni demander de le soigner ni le soigner moi-même sans quoi nous serions immédiatement discrédités. Je prie juste pour qu’il retrouve ses esprits et des forces dans quelques heures, il pourra ainsi se soigner seul.

 

-       Mon commandant.

 

Je rentre dans la tente du commandant et le salue avant de m’asseoir face à lui. Il me tend un verre d’alcool que je toise sans aucune envie.

 

-       Buvez donc ! C’est jour de fête, nous avons capturé la bête noire.

-       Allons ! Vous croyez à des légendes urbaines ? Dis-je sans toucher au verre.

-       Si l’Oracle y croit alors nous y croyons tous.

-       Si vous le permettez, je vais rejoindre la tente du prisonnier, je veux garder un œil sur lui pour être sûr qu’il n’essaye pas de s’enfuir. Demain, j’irai faire un tour en ville, en attendant, je vous demande de rien lui faire. Je veux le livrer vivant à l’Oracle.

-       C’est vous qui décidez, je ne peux rien faire contre le fils de l’Amiral.

 

Je le salue et me retire. Je regarde autour de moi, le camp est désert, je ne vois que les grands piquets enflammés aux quatre coins du camp qui illuminent la nuit. Je m’habille des effets d’Agora avec un certain dégout mais les vêtements sont plus adaptés à la température. Nous avons quitté une chaleur humide pour un froid polaire.

 

Je rentre dans la tente, Lillyan est couché les mains attachées dans le dos. Je viens lui desserrer les liens et me couche à ses côtés le prenant dans mes bras pour le serrer fort contre moi et le réchauffer. Je ne peux m’empêcher de voir le sang séché sur son dos dénudé, les blessures sur sa joue. Je me retiens de hurler, je ferme simplement les yeux, vigilant au moindre curieux qui voudrait tendre un œil dans la tente. Je le sens se mouvoir alors que le sommeil m’accable peu à peu, je dépose un baiser chaste sur ses lèvres et le serre un peu plus contre moi.

 

Les premiers rayons de soleil me réveillent immédiatement alors que Lillyan dort toujours, le visage crispé, surement un rêve tourmenté. Je tente de le réveiller un peu mais c’est une vraie souche, j’entends les gardes s’approcher et m’écarte immédiatement de lui. Je sors avant même qu’ils n’aient pu rentrer, ils reculent brusquement sous la surprise, tendus comme des manches à balais, ils déglutissent avant d’ouvrir la bouche.

 

-       Bonjour Monsieur Mauran. Le commandant nous à ordonné de vous accompagner ce matin dans votre promenade en ville.

-       Je n’ai pas besoin de gardes du corps, dis je en fronçant les sourcils.

-       C’est un ordre, Monsieur. Les Eriasiens sont coopératifs à l’occupation mais ils restent parmi eux beaucoup de tueurs dans l’ombre. J’ai vu des dizaines de soldats tombés juste après avoir été cherchés de la nourriture, le commandant s’inquiète pour vous.

-       Dites-lui qu’il n’y a pas de raison de s’inquiéter. Je sais me défendre contre les attaques psychiques. Envoyez lui ma gratitude et rajoutez que s’il me fait suivre, je le saurai…

 

Les deux gardes me saluent et s’empressent d’aller porter la course. J’en profite pour embrasser une dernière fois Lillyan dans son sommeil et m’éclipse rapidement en ville. Je resserre ma fourrure autour du cou et descend les escaliers de glaces jusqu’à l’entrée de la ville.

 

Le paysage est splendide, la neige et la glace brillent sous le soleil, on peut voir la mer à l’horizon qui s’écrase contre les énormes blocs gelés. Les habitants semblent sereins et acceptent avec paix l’occupation, les enfants n’ont pas peur de la guerre. Tout ça leur semble loin, nostalgiquement, je me remets à penser à mon enfance, à notre insouciance et au réveil brutal.

 

Je me secoue la tête vivement et reprends ma route. Je dois trouver maître Zephilis, le roi de Maru m’a dit que sa demeure est assez originale et qu’elle se différencie des autres. Je regarde autour de moi mais rien ne sort de l’ordinaire, elles se ressemblent toutes et font à peu près la même taille. J’espère seulement que ce maître vit en ville.

 

Quelques heures plus tard, je peux affirmer que je connais tout d’Azeria, capitale d’Eria depuis son origine. C’est la seule et unique ville de toute l’île due aux conditions climatiques qui empêchent l’exploitation des autres zones. La capitale est bâtie sur un important puits qui apporte la puissance de la mer ainsi que toute son aura dévastatrice. Tous les habitants voient leurs pouvoirs augmentés lorsqu’ils sont dans leur capitale, ce qui explique la bataille Eriatique, Pandore voulant s’approprier l’île pour augmenter leur pouvoir de contrôle des corps. Ce fut un échec cuisant. Eria était une colonie agorienne, elle n’est indépendante que depuis quelques années.

 

Mis à part ça, je sais qu’ici le roi vit simplement dans une grande tour qui se démarque assez bien mais je ne pense pas que ça soit très important de le dire. Je n’ai rien vu qui pourrait me mettre sur la piste. A moins que…

 

-       Excusez moi madame.

La femme tremble de peur en voyant mes insignes sur l’épaule.

-       Quel est le nom de votre roi ?

-       Kon…rad monsieur…

-       Merci.

 

Je me dirige en courant jusqu’à la tour du roi, je déteste porter ces étiquettes, je les déteste tout autant qu’eux mais ça me permet de me mouvoir en tout tranquillité. Je dois vite retrouver ce maître avant que la journée ne s’achève, je dois ensuite le convaincre de partir de cette île avant l’arrivée de l’Oracle. Nous ne sommes pas encore assez forts pour lui faire face. Une dizaine de gardes et un soldat agorien gardent la porte d’entrée. La tour faite de glace est impressionnante.         Le soldat agorien s’avance, les bras croisés, il n’a pas d’épée.

 

-       On ne rentre pas sans autorisation exclusive de l’Oracle ou du roi Konrad lui-même. Faites demi-tour. Dit-il avec arrogance.

           

Je concentre mon énergie et me canalise, je dois rester crédible. Le regard assassin, je l’attrape vivement par la gorge, il se débat comme une proie prise en piège. Je prends mon élan et le jette vers les autres soldats qui n’avaient pas bougé d’un pouce. Ils se sont alors écartés un peu effrayés, l’Agorien essayant de respirer à nouveau correctement. Je m’approche lentement  jusqu’à lui.

 

-       Tu sais au moins à qui tu t’adresses, soldat ?! Je suis le fils de l’Amiral Mauran et un protégé de l’Oracle, voilà mon autorisation, imbécile.

 

Il tousse plusieurs fois, quelques secondes plus tard, il se redresse et me laisse passer. Je rentre avec une prestance royale, du moment que j’inspire la crainte et le respect je suis sûr de gagner et d’ouvrir toutes les portes.

 

Les salles sont si nombreuses qu’on pourrait si perdre, c’est un garde avec la maîtrise de la glace qui me fait monter jusqu’à la salle royale. Choqué de voir que ce n’était qu’un chic bureau, digne d’un ambassadeur à Agora mais sûrement pas d’un roi. Je constate avec admiration qu’Eria a su rester simple mais cela joue aussi en défaveur au roi Konrad qui perd de son autorité. Je franchis le mur de glace, le roi lève la tête derrière ses lunettes.

 

-       Tiens, tiens, je reconnais ce bandeau sur les yeux. Me dit le vieil homme en se levant de son fauteuil.

 

Certes, il était d’un certain âge mais il conservait toute la vigueur et l’imposante aura d’un grand roi, je le salue avec politesse mais lui préfère une grande étreinte amicale. Je me sens écrasé sous la puissance du géant, bien deux têtes de plus que moi et des mains aussi grandes que mes cuisses, j’ai l’impression de mourir à chaque fois qu’il me tape dans le dos.

 

-       Shinrei Mauran, n’est-ce pas ?

-       Oui, majesté.

-       MAJESTE !! HAHAHA

 

Pour une raison que j’ignore, il prend un violent fou rire qui me laisse perplexe, alors qu’il se bidonne comme un gamin, il reprend peu à peu ses esprits en voyant mon sérieux.

 

-       Allons, personne ne m’appelle majesté ici ! Je ne suis qu’un homme comme toi. Tout le monde m’appelle Konrad ou encore Konradounet chéri mais ça c’est réservé à ma femme et mes cinq filles….

 

CINQ FILLES ? Le pauvre…

 

-       Que me vaut la visite du fils de Karlito ?

 

Karlito ?

 

-       Et bien je suis à la recherche de quelqu’un et je croyais le trouver ici…Maître Zephilis. Dis-je un peu hésitant

-       Désolé. Dit-il brusquement.

 

Le regard du roi devient plus dur. Je manque de tressaillir tant sa puissance enveloppe toute la pièce.

 

-       Je ne vous livrerai jamais Zephilis. Vous pouvez occuper le pays tant que vous ne touchez pas aux habitants mais nos maîtres ne sont pas à votre disposition.

-       Roi Konrad, je vous en supplie, il faut que je lui parle c’est très important !

-       Tu perds de ta sévérité si belle, Shinrei, c’est dommage, dit-il en mimant une grimace triste.

-       S’il vous plaît ! J’ai besoin de lui ! Juste lui parler.

-       Je refuse. N’insiste pas jeune Mauran, ton père est peut être un ami mais maintenant vous êtes mes occupants. Je n’ai pas confiance dans l’Agorien.

-       Mais je ne suis pas Agorien !!

 

Merde. Pourquoi est-ce que j’ai dis ça ? Le roi reste un instant silencieux puis son visage commence à se déformer pour finir à nouveau dans un fou rire.

 

-       HAHAHAHA !! T’es trop !!!

 

Il se bidonne à nouveau en s’approchant de son bureau jusqu’à en avoir les larmes aux yeux.

 

-       Je suis un condamné à mort, Konrad… dis-je sérieusement.

 

Le roi s’arrête lentement de rire et me fixe intensément peut être pour y déceler une blague. Puis il reprend constance et s’appuie contre le bureau.

 

-       L’Oracle m’a condamné à mort officieusement. Il a chargé mon père de le faire mais nous avons élaboré un plan pour que je puisse m’enfuir. Il est à ma recherche maintenant, je dois partir très rapidement, le commandant agorien va finir par comprendre que je suis un imposteur ! Il faut que je trouve maître Zephilis, c’est très important !

-       Désolé. Je ne peux pas, tu es maintenant une menace pour mon île et si je coopère, ce sont les habitants qui vont trinquer. Je te donne la chance de partir sain et sauf mais quitte cette île au plus vite auquel cas je serai contraint de te tuer moi-même, Shinrei Mauran ou pas. 

-       Ecoutez moi ! Je…J’ai besoin de lui, il me faut son apprentissage pour communiquer avec l’esprit de mon pouvoir ! C’est notre seule chance de vaincre le mal. Vous voulez mettre fin à cette guerre, n’est-ce pas ? Alors faites-moi confiance ! Que pourrais-je faire contre maître Zephilis de toute façon ?! Ou même contre vous ! Si je tente quoi que ce soit, vous avez le droit de me tuer …

 

Il reste calme et muet pendant un moment, son sérieux est insoutenable alors que je transpire comme un fou, je panique totalement à l’idée de devoir échafauder un nouveau plan pour nous casser vite fait bien fait d’ici. Si Zephilis refuse de venir avec nous, ça sera fini de tout ! Nous n’aurions plus rien à espérer.

 

Le roi se redresse et s’approche de la vitre derrière le bureau, perdu dans ses pensées il observe son unique petite ville.

 

-       J’ai toujours tout fait pour protéger Eria, que cela soit contre Agora, Pandore ou encore la mer elle-même. J’ai toujours réussi à la protéger du mieux que je pouvais. Nous ne sommes pas nombreux mais nous savons résister à une armée et je préfère cent fois laisser Agora nous occuper plutôt que de devoir faire subir une guerre à mon peuple. Je ne veux que la paix pour lui.

-       Croyez-vous réellement que l’Oracle s’installe juste pour quelques jours ? L’occupation finira en extermination et vous le savez, vous étiez une colonie agorienne, ne l’oubliez pas. Il se justifiera en disant simplement qu’il est revenu reprendre son dû. Ce n’est plus l’Oracle bon que vous avez connu. Je ne veux pas de cette responsabilité et pourtant je la porte sur mes épaules, nous devons anéantir l’Oracle. Pour la paix.

 

Le roi Konrad ne dit rien, il ne rit pas, il regarde simplement par la fenêtre sans montrer une quelconque émotion mise à part, peut-être, une pointe de nostalgie dans le regard. Il refuse d’accepter que le monde est en guerre, il refuse de se battre et c’est pourquoi il se laisse faire et cacher sa peur de l’envahisseur derrière une attitude immature. C’est tout de même un bon roi, qui se soucie plus de son peuple que de lui-même.

 

Quelques minutes plus tard, il prend une profonde inspiration et quitte son bureau en frôlant mon épaule.

 

-       Suis-moi.

 

Je le suis, nous descendons. Quelques étages plus bas, il s’arrête devant une porte enchaînée. Je ressens une aura étrange derrière cette porte, je me sens lourd puis brusquement je reprends à nouveau mes esprits.

 

-       C’est Zephilis qui tente de t’envoûter pour lui ouvrir la porte. Me dit le roi.

 

J’en conclus que c’est lui qui me protège de ces attaques.

 

-       Pourquoi l’enfermer ? Je demande curieux.

-       Pour l’empêcher de faire des bêtises, dit-il avec le sourire

 

Il ouvre la porte, une fumée épaisse se dégage de la pièce et m’étouffe presque, je plisse les yeux tant l’odeur du tabac me pique. La fumée se disperse peu à peu et je peux enfin voir le visage de maître Zephilis.

 

-       C’est qui ce gamin ? Me dit-elle d’une voix grave.

 

Je n’en reviens pas. C’est une femme ! Moi qui croyais depuis le début que j’aurai affaire à un homme assez âgé genre maître bouddha, je tombe sur une femme, légèrement vêtue, les jambes écartées vulgairement, une longue et fine pipe dans la bouche. J’ai la tête qui tourne même si je tente de ne rien montrer, je sens les attaques assaillantes du maître qui rencontrent le bouclier du roi. Le bruit de l’impact de balles me vient immédiatement à l’esprit.

 

-       Tu ne devines pas ? Lui demande le roi.

-       Un nouveau jouet ? Dit-elle en passant sa langue sur ses lèvres avec vulgarité.

 

Elle me fait penser à une bête qu’on a enfermée dans une cage. Elle en a l’allure, les habits déchirés, la chaîne autour du cou, le regard perçant. Je ne me suis jamais senti autant regardé, j’ai l’impression qu’elle peut voir jusqu’à mon antre. Que fait-elle enfermer ? Qu’entend-il par « faire des bêtises » ?

 

-       On joue aux devinettes ? Propose avec enthousiasme le roi.

Nous restons le maître et moi silencieux.

-       Vous n’êtes pas drôle ! Dit-il en boudant.

-       Je m’appelle Shinrei Mauran, je suis le fils de l’Amiral d’Agora et…

 

Elle tend sa main en ma direction et me somme de me taire, elle ferme les yeux et se met brusquement à renifler comme si elle sentait une odeur alléchante. Elle soupire de plaisir et me transperce de ses yeux dorés.

 

-       Cela faisait tellement longtemps … Koryu.

Mon cœur manque un bêtement, je reste perplexe.

-       Koryu ? Demande le roi.

-       Le dieu dragon. Le dieu du mal habituellement dans le corps de l’Oracle. Lui dit Zephilis.

-       Que fait-il dans le corps de ce garçon ?

-       C’est bien ce que je me demande…

-       J’ai besoin de vous. Je dis alors.

Elle arque un sourire carnacier puis se lève tout en tirant sur sa longue pipe.

-       Mon aide ?

-       Je ne sais pas comment vous pouvez « sentir » que je suis l’hôte de Koryu mais il n’est pas entier moi. Vous l’avez sans doute déjà remarqué. J’ai besoin de vous pour communiquer avec l’esprit de Koryu au plus vite… Mon ami et moi. L’autre partie de Koryu.

Elle tire à nouveau sur sa pipe sans me lâcher du regard. Le roi derrière est muet.

-       Koryu est un esprit prétentieux, la première fois que j’ai pu parler avec lui, l’Oracle était encore tout jeune. Il devait être adolescent, Koryu m’a presque lancé défi. Il ne manque pas de culot, cet esprit !

-       Vous communiquez avec les esprits des pouvoirs ? Demandé-je .

-       Exactement.

Incroyable…

-       Mais pas seulement, Shinrei. Elle peut également les envoûter et les retourner contre leurs hôtes, tout comme elle peut t’envoûter. C’est l’unique Charmeuse d’esprit de toutes les nations. Contrairement au Manipulateur d’Ames, elle n’impose pas son âme dans un corps pour prendre le contrôle de ce corps, elle charme les âmes, peut les rendre inutiles. Un être doté d’immenses pouvoirs peut devenir inoffensif. 

 

C’est là le pouvoir impressionnant de maître Zephilis, sans nul doute aussi la raison pour laquelle elle est enfermée. Elle n’a nullement l’air d’un enfant de chœur, son corps est déjà envoûtant pour tout homme, son être entier est fait pour vous duper. La seule chose qui m’intrigue chez elle, c’est son pouvoir, il me semble infini et invincible et je comprends mieux pourquoi le Général Solon nous a recommandé maître Zephilis.

 

-       Je ne suis pas bon en diplomatie. Nous n’avons pas de temps à perdre, suivez-nous s’il vous plaît ! Il faut faire vite. Mon ami est en danger seul dans la base, nous devons partir immédiatement d’Eria.

-       Qu’est-ce que ça m’apporte à moi ? Elle me dit d’un regard arrogant.

-       La liberté. Lui dit le roi. Si tu acceptes de les aider et les suivre, je te laisse sortir.

-       Qui te dis que je ne vais pas m’enfuir…

-       Tu meurs d’envie de parler à nouveau avec Koryu. Affirme le roi Konrad.

 

Ils se toisent du regard puis elle finit par céder et tend ses poignets enchaînés.

 

-       Tu me crois assez fou pour enlever ton collier.

 

Les chaînes à ses poignets étaient reliées à son anneau au cou. Seules ses chevilles n’étaient pas enchaînées.

 

-       Grâce à ces chaînes, ton pouvoir est canalisé, tu es limitée à quelques minutes d’envoûtement et à très courte dose. Dit-il fièrement.

Cela ne semble pas faire rire Zephilis qui tire à nouveau sur sa pipe et avance jusqu’à nous.

-       Je t’aiderai gamin mais à une condition. Tu devras me prouver ta force dans un combat. Koryu ne parle pas à des petites frappes, crois-moi.

J’accepte d’un seul regard, je ne baisse pas les yeux et ne lui montre rien d’autre qu’une expression froide.

 

Elle me paraît presque heureuse de venir, un petit sourire en coin lui donne un air encore plus sournois. Je m’écarte pour la laisser, le roi Konrad referme la porte et nous descendons jusqu’en bas.

 

-       Comment comptez-vous sortir de l’île ? Me demande le roi devant la grande arcade.

-       Nous improviserons.

-       Ce n’est pas sérieux, gamin, me dit Zephilis la pipe entre ses lèvres.

-       Elle a raison. Va chercher ton ami, je te laisse une heure pour revenir, j’aurai préparé un bateau qui vous attendra au port. Il vous emmènera aux portes de Pandore en quatre jours. Le désert d’Insomia est plus proche mais ce ne sont pratiquement que des peuplades nomades et alliées avec l’Oracle.

 

Je remercie le roi et pars devant, remarquant que Zephilis ne me suit pas, je m’arrête et me retourne. Le roi Konrad l’observe intensément, presque avec tendresse, l’atmosphère s’adoucit. Elle jette les cendres de sa pipe et la range sur sa ceinture. Le roi retire son épée de son fourreau et lui donne, elle l’observe un instant avant de la prendre et de lui tourner le dos. Une étrange sensation me serre le cœur, le regard du roi, ses yeux verts qui suivent le dos dénudé du maître.

           

-       Qu’est-ce que tu regardes, gamin ? Me demande le maître.

Je reviens à mes esprits.

-       Rien.

 

Le roi a disparu. C’était quoi cette étrange scène ? Je jette cette question par-dessus ma tête et avance presque en courant jusqu’au camp. Aux derniers mètres, je ne peux m’empêcher de courir réellement, je remarque que le camp est désert, même pas de soldats à l’entrée, pas de bruit.

 

Alors que le silence devenait presque assourdissant, je sens le sol trembler derrière nous, des pas ! Je me retourne en retirant mon épée pour me positionner devant le maître. L’épée frôlant la peau en sueur du mercenaire couvert de bandage. Ses yeux exorbités trahissent sa surprise, le regard froid et assassin, je peux sentir la tension qui se dégage de la scène. Mon aura dansante comme un serpent m’entoure peu à peu et fait déglutir le tueur à gage. Un sabre arqué comme un croissant de Lune. Un mercenaire d’Insomia, c’est bien la première fois que j’en vois un.

 

Ses yeux s’écartent d’autant plus mais ce n’est pas moi qu’il regarde, je sens la panique le faire trembler de la tête aux pieds. Je sens une aura meurtrière derrière moi, je reconnais cette aura…

 

Sans hésitation, je tranche la tête du mercenaire, son corps décapité tombe au sol, je me retourne lentement et remarque les mains ensanglantées d’un homme tenant par les cheveux une tête arrachée. Le sang coule encore formant une petite flaque écœurante. Je remonte mon regard, des corps décharnés empilés les uns sur les autres, un homme sale, les habits déchirés, la terre mélangée au sang. Les cheveux devant le visage, les yeux brillants d’une lueur effrayante. 

 

-       Lillyan…

-       Tu te trompes. Me dit maître Zephilis. C’est Koryu.

Par Danouch - Publié dans : Agora - Communauté : Auteurs Sadiques
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Mercredi 10 novembre 3 10 /11 /Nov 10:17

Un cri résonne puissamment dans mon cœur avant de se transformer en une tendre caresse maternelle qui me sort de mes sombres pensées, contaminées par le pessimisme naturel de Shin.

 

Bientôt, quatre silhouettes se détachent très nettement dans mon esprit bien avant que Shin ne les voie, leur pelage se confondant non seulement avec la couleur azurée du ciel mais aussi de la mer.

 

Leur vol se prolonge dans un atterrissage langoureux de et les oiseaux se posent avec grâce, en soulevant de minuscules particules de poussière de sable. Les premières émotions que je perçois sont confuses mais se résument en un souffle de joie et de fierté de nous présenter leurs deux petits. Ces derniers ne dégagent pas autant de prestance que leurs parents mais volent à une vitesse au moins égale sinon plus mais marqués par une impatience, le désir de voler encore plus rapidement sans penser, visiblement, aux conséquences de l’épuisement sur un long voyage.  

 

Je m’approche d’eux, fébrile, tellement heureux de les retrouver que je n’y crois pas vraiment, leur présence remuant douloureusement de vieux souvenirs. Anemos s’approche de moi, réduisant la distance de telle sorte que son bec me touche le cœur et pourrait me l’arracher si une quelconque découverte lui déplairait. La présence de Gahila, derrière, me rassure, même si je ne suis pas vraiment inquiet. Anemos plonge son regard dans le mien et me scrute intérieurement pendant un moment. Les personnes autour de moi ne bougent pas et seul Shin se détache, difficilement, dans mon esprit, brouillé par les sondes de l’animal. Je ne comprends pas pourquoi Anemos agit ainsi mais je ne laisse pas transparaître mon désarroi. Il se retire lentement et laisse passer sa compagne dont la joie de me retrouver est bien plus manifeste par la chaleur qu’elle me communique et qui me rappelle ma mère. 

 

Malia et Athor s’avancent, curieux de rencontrer l’être qui suscite autant de tendresse chez leur mère. Ils sont petits et vifs, plein de vie, ne pouvant rester en place. D’ailleurs, ils malmènent mes côtes de coups de bec pour voir de quel bois je suis fait et finissent par se battre pour attraper un morceau de ma tunique avant d’être rappelés à l’ordre par leur mère. Leur pelage est doux, luisant et soyeux, signe qu’ils sont en bonne santé. De fait, leur corps est bien construit et ne demande plus qu’à grandir en se fortifiant.

 

« Ils vous ressemblent ». Un sentiment de fierté les ébroue.

« A les voir aussi vigoureux, on n’imagine pas que leur mise au monde a été difficile » commente Gahila.

« Des difficultés ? »

« Nous avons dû quitter notre territoire, suite à la folie des hommes et en trouver un autre, ce qui a été une cause de stress pour Gahila et un retard par rapport à la migration, ce qui la rendait encore plus fébrile. Les conditions n’étaient pas les meilleures ».

« Mais vous avez réussi ».

« Ce qui explique que nous ne pouvons pas répondre à votre demande. Ils sont encore fragiles et jeunes pour supporter un long voyage qui plus est en transportant des personnes sur leur dos. De plus, nous ne sommes pas des animaux de compagnie qui transportent les humains » Claque Anemos.

« Je sais, répondis-je en choisissant mes mots, vous êtes nos amis et nous avons besoin de vous pour un long et crucial voyage. Juste Shin et moi ».

« Et vos compagnons ? »

« Nous nous organiserons ».

« Nous vous laissons deux heures afin de nous reposer et nous repartirons avec ou sans vous ».  

 

La petite famille s’envole pour se trouver un coin tranquille et je fais signe aux autres de se regrouper autour de moi.

-       Seuls Shin et moi pouvons partir, déclaré-je, tout de go sans tourner autour du pot, le temps nous étant compté.

-       Bah tiens, lâche Raine.

Je l’ignore, n’ayant pas à me justifier et ne voulant pas perdre de temps en dispute. Shin se contient également en fermant les poings. Si le jour où ces deux-là se déchireront n’était pas déterminé, cela ne ferait aucun doute. Personnellement, je trouve leur comportement déplacé et immature mais évidemment, je serai toujours du côté de Shin si je devais choisir, bien que me placer en ennemi de Raine ne me plaisait pas.

-       Ça ne me plait pas, grogne Amon.

-       Nous n’avons pas le choix. Nous ne pouvons pas nous permettre de traverser la mer d’Eria en trois semaines.

-       Alors c’est ici que nos chemins se séparent, annonce sobrement et suffisamment Raine comme s’il était le leader du groupe et décidait pour tout le monde.

-       Pour te précipiter sur l’Oracle et lui révéler notre position… balance Shin.

Si Raine me laisse indifférent, je suis légèrement attristé de me séparer d’Amon en qui j’avais trouvé un compagnon agréable et quelqu’un de confiance qui me comprenait. Le silence remplace les mots inutiles. J’ai envie de communiquer à Amon que nous avons l’intention de nous rendre à Cléone après Eria mais moins de personnes seront dans la confidence moins nous risquons d’être trahis. Si c’est quelqu’un de confiance, nous nous retrouverons dans les rangs de la résistance. Quant à Raine, je n’arrive pas à me prononcer sur lui.

 

Le départ est loin d’être larmoyant, nos liens n’étant pas assez forts, mais malgré moi, je suis inquiet de laisser ces deux camarades derrière car ils en savent plus que quiconque sur nous après avoir passé autant de temps en leur compagnie. Cela dit, je les vois mal nous trahir froidement et livrer ces informations cruciales à leurs propres ennemis. Ces doutes assombrissent un peu la joie que j’éprouve d’être enfin seul avec mon amant.

 

D’un coup d’aile, nous nous retrouvons dans le ciel frais et humide de vapeurs d’eau. Le charisme d’Anemos m’amène immanquablement à penser à mon père et la douceur de Gahila à ma mère qui me manquent cruellement. Shin n’étant lié à Anemos que par moi, ce dernier a préféré me prendre moi-même sur son dos pour laisser « l’autre », qui ne représentait pas autant pour lui que pour moi, à sa compagne. Le contact est si fort entre nous deux que je me laisse envahir par sa force pour reprendre courage.

 

Nous arrivons à destination tard dans la nuit. Au fur et à mesure que nous approchons, le froid s’infiltre progressivement dans notre peau, nous meurtrissant les chairs et les membres, les doigts de pieds et des mains et le nez surtout. Notre cape ne suffisait pas et si nous ne bénéficions pas de la chaleur corporelle des animaux, notre situation serait encore pire.

 

L’île est en réalité toute petite et vue du ciel, elle ne semble constituée que d’un seul village, une seule communauté. Au moins nos recherches seront-elles facilitées pour trouver le maître car nous n’avons pas même songé à demander sa description. A moins qu’il ne soit caché quelque part dans la chaîne de montagnes qui bordent toute l’île, la coupant ainsi du monde extérieur et des inondations.

 

« L’atterrissage semble compromis. »

« Comment ça ? » répondis-je alors que j’avais bien senti son appréhension.

« Nous ne pouvons pas vous poser en pleine place publique et les chaînes de montagne n’offrent pas d’endroit plat suffisamment large ».

«  Jusqu’à quelle distance pouvez-vous vous rapprocher du sol ? »

« Suffisamment près pour vous laisser flotter ensuite si telle est ta question. Le problème est que l’oxygène est rare en montagne. »

« Nous n’avons pas le choix de toute façon ».

 

Si Anemos nous rapproche suffisamment du sol, en combinant nos pouvoirs, Shin et moi devrions être capables d’atterrir sans trop de difficulté ni de dommage. Je parviens à nous faire léviter sur cinq mètres mais l’oxygène est trop rare pour que je maintienne mes efforts longtemps et Shin prend le relais en faisant surgir deux blocs de roche pour nous faire gagner la terre ferme. Après s’être assurés que nous sommes bien arrivés, les oiseaux reprennent leur route et je suis légèrement vexé de ne pas passer plus de temps avec Gahila que je confonds un peu trop avec ma mère.

 

Enfin, ils se sont rapprochés assez près, la discrétion favorisée par la nuit, pour que nous atteignions le village en deux heures de marche. Cependant, la fatigue ne nous aide pas et nous rechignons à gagner le village même si celui-ci semble tranquille et ne parait pas sujet aux troubles qui animent la région. 

 

Comme pour s’amuser à me contredire, un cri déchirant brise la quiétude de la montage. Le premier réflexe de Shin est de s’élancer tandis que le mien est de le suivre. Une silhouette prostrée se découpe dans l’obscurité au milieu d’un groupe d’une demi-douzaine d’hommes harcelée par les coups de pique. Leur rire gras et leurs provocations crues trahissent leur état d’ébriété.

-       Hey, l’animal ! Allez, fais pas la difficile ! On veut juste un peu  de ton sang ! Hein, vous autres, sûrs que ça doit être meilleur que cette eau-de-vie infecte qu’on nous fait boire depuis l’arrivée des soldats agoriens.

Shin et moi braquons immédiatement et détournons les talons. Mais pour aller où ? Les autres continuaient de beugler.

-       Ouais ! Et sa fourrure sera bien plus chaude que c’tas de paille qui faut regrouper les morceaux éparpillés pendant la journée.

-       Pour peu que le péquenot te l’ait pas chipé, hein la teigne ! 

-       Quoi ?! Qu’est-ce que t’insinues ? 

-       Qu’en plus de me piquer ma gonzesse, tu pollues mon pieux en couchant dedans !

Ma première envie est de courir mais nous ne savons même pas où aller. L’envie de fuir est grande mais nous ne pouvons pas faire marche arrière et sans Anemos et Gahila qui sont déjà loin, nous ne pouvons pas aller quitter ces montagnes. Shin arrive aux mêmes conclusions et me regarde l’air sombre.

 

Comment avons-nous pu penser une seule seconde que ce serait facile ? Le monde est en plein bouleversements, personne n’était épargné et certainement pas une île aussi puissante psychiquement qu’Eria où les sorciers les plus puissants étaient réquisitionnés. Et combien de personnes résisteraient à la personne la plus puissante du monde ? Le calcul était vite fait entre ceux qui risquaient la torture s’ils se rangeaient de notre côté et la gloire et la fortune s’ils se rangeaient du côté de l’Oracle. Celui-ci avait surement donné des ordres stricts concernant les étrangers.

 

Pas le choix, nous allions devoir enquêter très discrètement. Je m’avançais pour interroger ces soudards. J’ai bien essayé de les sonder psychologiquement mais ils étaient protégés. Quoi de plus normal pour des gens qui maîtrisaient les pouvoirs psychiques ? Seulement à peine leur avais-je adressé un mot que je reçus un violent coup sur le crâne. Je m’écroulais en tentant de ne pas m’évanouir tandis que Shin me défendait en attendant que je me remette sur pied.

 

Puis soudain, ce ne fut pas une demi-douzaine mais bien une douzaine d’hommes en face de moi. Pourtant, ce n’était pas moi qui avais bu… Malheureusement pour nous, il semble que le problème, les cris et le chahut ont alerté les gardes. Ma tête qui n’était déjà pas en forme vit carrément rouge. Juste avant de m’évanouir, j’applique un écran de protection psychique à Shin pour le protéger. C’est quelque chose que j’ai mis au point pendant ces jours d’entraînement où je méditais. Pour me stimuler, je m’étais donné un objectif, celui de le protéger. Etant indissolublement liés, j’ai trouvé assez facilement le chemin liant nos esprit comme je travaillais sur le chemin pour lier nos corps avec l’électricité. Bien sûr, l’idée n’était pas aussi noble puisqu’il s’agissait plus de le titiller et de le faire frissonner de plaisir mais le principe était le même.

 

Le réveil est brutal : ce n’est pas une douce caresse du soleil qui me réveille mais une violente irruption psychique. Mon crâne menace d’exploser avec la douleur en plus des coups qu’il a reçus. Je serre les dents et repousse difficilement l’agression. Je me rends compte que dans la précipitation, je n’ai pas dosé mon énergie et tout donné à Shin. Ce n’est pas plus mal pour lui mais j’aurai du mal à résister. 

 

Le sang me monte à la tête, je ne sais pas combien de temps je suis resté pendu la tête en bas mais il a eu le temps de quitter mes chevilles et mes poignets pour se loger tout entier dans ma tête. C’est intenable. Mes côtes souffrent le martyr, apparemment, ils ont prit le temps de s’amuser avec moi avant de me forcer à ouvrir les yeux. D’ailleurs, le liquide âcre et brûlant qui me macule le visage montre qu’ils se sont servis de ma tête comme d’une cuvette de toilettes. Ils n’ont vraiment pas perdu de temps pour m’abîmer.

 

Après la gifle mentale, c’est la gifle physique qui achève de me réveiller.

-       Pourquoi ton cerveau est protégé ? Lance une voix pleine de puissance psychique.

Je serre les dents pour ne pas répondre. Il est plus facile de partir avec l’idée de ne rien dire qu’avec l’idée de filtrer les informations parce que sous la douleur, on est moins vigilants.

 

Mon père m’avait parlé une fois de la torture. C’est lui qui m’a dit que l’impératif est de fermer son cœur mais qu’entre la théorie et la pratique, il y avait un fossé et en résumé, il m’a souhaité ne jamais connaître ça. Désolé papa, je crois que ce ne sera pas possible.

 

Lui a décidé d’être aussi entêté que moi et me faire craquer dès la première question. Il la repose inlassablement en la faisant suivre de taloche sur la joue gauche. Sa main étant équipée d’un gant clouté, ma peau est déjà ensanglantée. S’il ne me monte pas à la tête, le sang pisse de tous les côtés… Super…

 

Mon cœur, déjà à l’envers par ma position, se soulève encore plus en voyant Shin apparu soudainement devant moi. Le regard froid et dur, je sais déjà ce qui m’attend, je suis resté longtemps inconscient s’il a eu le temps d’élaborer une stratégie. Mes côtes déjà souffrantes se tortillent dans tous les sens pour éviter cette humiliation.

 

N’empêche, j’ai confiance en lui mais c’est drôlement remuant de se faire frapper par son amant d’autant qu’il ne prend vraiment pas de gant et sa force est digne de l’amiral de l’armée d’Agora. Papa ne m’a jamais raconté comment il fallait se comporter quand on est torturé par son meilleur ami. 

 

-       Alors, mon pauvre Lillyan. Tu me fais pitié, tu t’es confié à moi parce que tu n’as pas pensé une seconde que je pouvais être ton ennemi. Mais mon pauvre ami, crois-tu vraiment que le fait de coucher ensembles te garantissait ma loyauté ? Me dit-il en me caressant la joue abimée.

Ses paroles cruelles contrastent avec ses caresses par lesquelles il me transmet tout son amour et sa détresse pour m’encourager. Je ferme les yeux pour mieux ressentir cette chaleur et lui confirmer que je l’aime.

 

Je pourrai gagner du temps en parlant mais plus vite ce sera terminé, mieux ce sera.

-       Seigneur, intervient un soldat, ne vous abaissez pas d’avantage à toucher cette crapule souillée et salie.

-       Silence importun ! Claque Shin. Oserais-tu me priver de ma vengeance ? Chaque soir, je l’ai laissé me toucher pour mieux gagner sa confiance et toi, tu voudrais arriver et gagner tous les honneurs ? L’Oracle arrive en fin de semaine, je veux pouvoir en profiter avant !

Sans prévenir, il se retourne et frappe le soldat. Sa main termine son chemin sur ma joue ensanglantée. Je grimace et serre les dents à les faire grincer. Je sais qu’il doit se donner en spectacle devant ces larbins qui traitent Shin comme s’il était l’amiral lui-même alors qu’il est censé être mort mais s’il pouvait écourter mon martyr, je lui en serai tout de même reconnaissant.

 

Il se saisit d’un fouet et ma gorge se noue d’horreur devant l’objet. J’ai envie de hurler mais je me retiens. Je ne m’abaisserai pas à ce niveau. Evidemment, je suis nu, vêtu d’un simple caleçon, et aucun vêtement ne peut me soulager. Quoique, ce n’est peut-être pas un mal parce qu’avoir du sang séché entre la peau et le vêtement ne doit pas être agréable.

 

J’essaie vainement d’invoquer des pensées salaces pour rendre la situation peut-être moins désagréable car à la fin, voir son amant avec un fouet en aurait excité plus d’un mais la seule chose que je ressens au moment où le fouet cingle ma peau, c’est une douleur cuisante qui me raidit tous les membres.

 

Au bout d’un moment, je suis tellement sonné que je n’entends même plus les questions. Tout ce que je sais, c’est que je ne dois pas parler.

 

« Cinq coups ». Les efforts de Shin me frappent aussi durement que les coups de fouet qui me donnent l’impression de me couper en deux un peu plus à chaque fois. Ça résonne douloureusement dans mon esprit.

 

L’évanouissement sonne comme une libération. Je n’ai jamais eu aussi mal de ma vie, pas même quand l’Oracle a apposé la marque. Sauf que là, je peux quand même me réfugier dans mon esprit et invoquer l’image sereine des oiseaux en train de voler librement dans le ciel.

 

Je dois tenir jusqu’à ce que le plan que Shin a en tête se réalise et qu’il vienne me chercher en priant pour que je sois loin d’ici quand l’Oracle arrivera.

Par Danouch - Publié dans : Agora - Communauté : Auteurs Sadiques
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Mercredi 10 novembre 3 10 /11 /Nov 08:43

Le septième jour de voyage éreintant nous accueille enfin sur les côtes de la Mer ériatique. L’air est si frais que je frisonne. Je resserre la petite couverture autour de mes épaules, le bruit des vagues qui se fracassent sur les rochers m’apaise tellement que j’en souris niaisement.

 

Je me retourne vers les hommes qui m’accompagnent, Raine médite sur la plage à quelques mètres de moi tandis que les deux autres semblent en plein combat visuel au loin. Quelqu’un d’extérieur penserait qu’ils jaugent leur force. Pour avoir subi ça tous les matins, je sais que Lillyan et Amon concentrent leur aura dans leur esprit. A tel point que je ne sens même plus leur présence spirituelle.

 

En sept jours, Lillyan n’a fait que maîtriser son aura dans son esprit, un exercice qui me semble plutôt difficile vu la fatigue qui le submerge quelques minutes plus tard.

 

« Souviens-toi, Shinrei, que l’aura est un flux d’énergie qui s’écoule dans ton corps dans tous les sens. Cette aura est la mesure de ta puissance. Cette aura est ce qui alimente ton pouvoir, plus tu as une aura importante plus ton pouvoir est grand. Et paradoxalement plus cette aura est grande et plus il est difficile de la contrôler. Car, Shinrei, tu dois savoir que le travail de tout être est de mettre un sens à cette aura impulsive. Un sens qui permette une maîtrise parfaite de ton pouvoir. »

 

L’aura de Lillyan est si importante qu’elle parait infinie, mais d’après Amon le contrôle de cette aura destructrice est la clé de tout. C’est donc ainsi que pendant sept jours, presque nuit et jour, Lillyan n’a fait que se concentrer au point d’en devenir dingue et d’avoir des migraines horribles à la fin.

           

-       ça suffit Lillyan, lui dit Amon.

 

Lillyan semble reprendre son souffle, son dos se courbe comme s’il avait couru pendant des heures, ses sourcils froncés. Je vois bien qu’il a mal.

 

-       En détectant toutes les petites parcelles d’énergie électrique autour de toi, tu as concentré considérablement ton aura sur tes sens. C’est une aura expéditive, elle ne circule pas mais sort de ton corps comme de l’eau. Et c’est grâce à ce sens que tu vas pouvoir maîtriser l’électricité qui sort de ton corps. Jusqu’à maintenant, tu n’as fait que déverser la foudre autour de toi, même si celle-ci sortait de ton corps, tu ne pouvais pas la faire changer de direction ni l’arrêter. On va passer à la vitesse supérieure maintenant. Ça  devrait être assez facile, ton aura est entièrement contrôlée par ton esprit, rien qu’avec ta volonté, tu devrais la maîtriser.

-       Je…peux au moins prendre un verre ?

-       Pas le temps.

-       Tu es un tortionnaire ! Se plaint Lillyan.

 

Amon affiche un sourire espiègle et s’approche pour lui murmurer quelque chose dans l’oreille que je n’entends pas, Lillyan se retourne brusquement vers moi, le visage étonné et rougissant.

 

Qu’est-ce qu’il a bien pu lui dire ? En tout cas, ca remotive Lillyan, il se redresse et inspire un grand coup. Soudainement, il joint les mains, son aura se concentre autour de ses mains et tournoit, de petites étincelles font grimper la tension dans l’air. Il écarte doucement les mains et jaillit de l’électricité, le bruit me laisse sans voix. La concentration de mon amant est telle que  tout autour de lui, l’air devient électrisant, ses yeux blancs rivés sur son pouvoir. Il lance un éclair sur Amon qui reste immobile.

 

J’écarquille les yeux quand l’éclair s’arrête à quelques millimètres de son visage, Lillyan le contrôle totalement. Pourtant l’intensité de l’énergie ne diminue pas, rien qu’avec un regard, l’éclair se déplace comme s’il était vivant. Il le fait disparaître avec autant de facilité, l’air est un peu plus chaud autour de nous. En dissipant l’éclair dans les airs, il a fait réagir les particules d’électricité qui sont tout autour de nous.

 

-       C’est parfait ! Annonce Amon joyeusement. Ces sept jours de boulots ont servi.

-       Alors je contrôle parfaitement mon flux ? Demande Lillyan.

-       Non pas encore parfaitement, ça prendra un peu plus de temps car maintenant, c’est l’électricité qui t’entoure que tu vas devoir maîtriser, au lieu de te concentrer intérieurement, c’est tout ce qu’il y a autour de toi que tu vas devoir concentrer.

-       Je vois…

-       Mais ça, il te faudra d’abord communiquer avec ton esprit.

-       Tu l’as déjà fait toi ? Je finis par demander curieux.

-       Oui. Répond simplement Amon. Quand j’étais enfant, c’est lui qui est venu à moi la première fois mais c’est une expérience qui ne peut pas être contée, désolé.

-       La fierté agorienne… soupire Raine en arrivant derrière moi.

 

Je le fusille du regard à nouveau, nos traditions interdisent de parler de certaines choses mais un homme sans valeur comme l’Androgyne ne peut comprendre.

 

-       Je ne veux pas vous alarmer, mes chéris Agoriens, mais comment allons-nous traverser la mer jusqu’à Eria ? Demande Raine.

 

Je souris malicieusement et partage un regard de complicité avec Lillyan, nous savons déjà comment traverser la mer mais il nous faut attendre encore un jour, le jour de pleine lune. Nous aurons ensuite une nuit pour traverser la mer jusqu’à Eria, ce qui semble irrationnel de prime à bord mais largement suffisant pour la migration.

 

-       Je vais chercher du bois, abandonne Raine sans vouloir chercher plus loin.

-       Lillyan ! On se remet au boulot ?

-       Je veux pas te vexer, Amon, mais là, si tu pouvais aller te perdre dans la forêt, ça m’arrangerait, dit-il un grand sourire jusqu’aux oreilles.

 

Amon met un certain temps avant de comprendre, il fait la navette entre moi et Lillyan et pousse un grand « Oh ! », il s’enfuit alors rapidement prétextant qu’il va aider Raine. Une fois qu’ils sont hors de notre champ de vision, je me précipite sur Lillyan pour le tirer par le bras. Je nous fais disparaître dans une tornade de sable et nous apparaissons à quelques kilomètres du camp, sur la plage, au milieu de rien…Mon corps boue déjà.

 

Sans attendre, nous nous jetons presque l’un sur l’autre, nos bouches semblent s’être quittées depuis trop longtemps, nos langues se retrouvent, s’emmêlent et se caressent. Un tel plaisir dans un simple baiser. C’est inhumain.

 

Nous sommes perdus au milieu de nulle part, le fracas des vagues sur le sable me semble insignifiant, l’air que je respire est inutile et le ciel au dessus de nous, spectateur, est invisible. Je viens de mourir dans les yeux profonds de mon amant, je le serre contre moi avec ce désir irrationnel de le posséder, de ne plus jamais le lâcher ! Notre baiser s’approfondit, devient plus passionné, nos pensées s’égarent et nos corps réagissent sans contrôle, sans contrainte.

 

Je plonge mes mains dans ses cheveux bruns, je redescends dans son cou en caressant sa mâchoire avec mon pouce. Nos bouches se séparent non sans peine, au bord de l’évanouissement. Les joues rougies de Lillyan me font sourire, je ne peux pas m’empêcher de lui caresser les pommettes, totalement éperdu, totalement fasciné par lui. Je l’aime tant…

 

Ses mains viennent caresser ma peau et passent en dessous de ma tunique qu’il remonte lentement accentuant la sensualité du geste et me faisant languir de désir. Allongé sur le sable, il parsème mon corps de baisers, il retrace chaque courbe, chaque muscle avec ses doigts fins et doux. Un râle m’échappe et je me raidis immédiatement alors que je sens ses lèvres prendre possession de mon intimité. C’est si soudain que je serre du sable dans mes mains, le dos cambré sous le plaisir. Sa langue experte s’enroule presque autour et remonte lentement jusqu’à la pointe. Totalement pris dans un tourbillon de plaisir et d’incandescence, je prononce son prénom du bout des lèvres le suppliant d’en finir.

 

Il s’arrête sournoisement et remonte jusqu’à moi avec malice, les bras en croix, totalement offert à ses fantasmes. Il me présente son indexe que je dévore sans attendre. J’entortille ma langue, je fais des mouvements de va-et-vient sans lâcher Lillyan du regard qui déglutit. Il retire brusquement son doigt et plaque sa bouche contre la mienne en franchissant le barrage de nos lèvres. La fougue me reprend, notre baiser ardant est coupé par l’étrange sensation de la pénétration de son index.

 

Je serre les poings puis me détends rapidement, je suis tellement en manque qu’il pourrait rentrer maintenant, je pourrai en jouir tout autant. Mais Lillyan est doux, ce n’est pas une brute et c’est-ce que j’aime chez lui. Je donne une tournure plus douce au baiser, plus tendre et tente de transmettre tout l’amour que je ressens pour lui.

 

Sa langue se démêle de la mienne, vient lécher le coin de mon épaule et revient sur la clavicule. Alors que ses mains remontent légèrement sur mes hanches, il me pénètre lentement sans cesser de baiser le cou.

 

Je grimace de douleur mais elle disparaît tout aussi vite : au premier coup de rein, je suis déjà en extase. Nos gémissements s’unissent avec nos battements de cœur, il cesse de m’embrasser et s’agrippe à mes jambes pour augmenter la puissance des va-et-vient, il se couche contre moi, les bras de chaque côté de ma tête, la tête enfouie dans mon cou, et continue sa cadence de plus en plus rapide. Je peux sentir sa chair brûlante contre la mienne, la sueur collant ses cheveux sur le bord de son front. Ses longues mèches encadraient mon visage comme un long rideau.

 

Je ne peux m’empêcher de crier, je suis au bord de l’explosion et Lillyan va encore plus vite, sentant la fin approcher. Au dernier coup de rein, il m’embrasse à nouveau avec voracité pour éjaculer en étouffant nos cris d’orgasmes.

 

Il se laisse tomber sur moi, le torse soulevé par de profondes inspirations, les yeux fermés de fatigue, il reste là quelques minutes entre mes cuisses. L’esprit retrouvé, je viens caresser ses cheveux machinalement. Je peux sentir son cœur frappé contre mon torse, je peux sentir son souffle chaud sur mon épaule.

 

Nous n’avons besoin de personne, nous sommes bien là, rien que tous les deux et le bruit des vagues.

 

Lillyan essuie son ventre avec l’eau de mer mais il râle, le sperme au contact de l’eau s’effrite et c’est loin d’être agréable. J’ai presque envie de rire mais je me retiens pendant que je remets mon pantalon.

 

-       En y repensant, commence Lillyan, c’est toujours moi qui est l’actif, quand est-ce qu’on fera le contraire ?

-       T’en a vraiment envie ? Je demande étonné.

-       Je dirai pas non…  

-       On verra bien. Je suis pas sûr d’aimer ce rôle, dis-je hésitant.

 

Je revêts ma tunique tranquillement.

 

-       Il faut y aller sinon ils vont commencer à croire qu’on a un problème. Raine serait capable de venir nous chercher.

-       Mouais. Nos moments d’intimités sont trop courts si tu veux mon avis.

-       ça sera toujours trop court.

 

Je le prends par le bras et le serre contre moi pour nous emmener à nouveau au camp par le même procédé de départ. Lillyan secoue ses cheveux plein de sable et crache comme s’il en avait avalé. Je croise les bras.

 

-       A chaque fois c’est pareil, quand est-ce que tu vas apprendre à fermer ta bouche lorsque le sable nous entoure ?

-       Je fermais la bouche !

-       Menteur.

-       Les garçons ! S’écrie Raine. Venez par ici une minute !

 

Pourquoi il crie, lui ? Il me fatigue. Nous nous approchons des deux autres, ils étaient réunis autour d’un dessin sur le sable réalisé par Amon. A vue d’œil, ça ressemble à une carte, je me penche un peu plus alors que Lillyan s’assoit tranquillement.

           

-       En allant chercher le bois, nous avons vu une escorte de l’armée de Maru, finit par nous dire Raine.

-       Ils allaient en direction de Cléone, un coup de chance que ce soit à l’opposé de notre camp.

-       Si vous avez été discrets, tout ira bien, leur répond Lillyan.

-       Ce n’est pas sûr, ils voyageaient en compagnie des Nuées Nova qui détiennent le contrôle des nuages. Si nous prenons la mer un jour de pleine Lune, il est possible que nous rencontrions une tempête, dit Amon.

-       Comment font-ils pour toujours nous retrouver ! S’exclame Lillyan désespéré.

-       Lillyan a dégagé beaucoup d’aura ces jours-ci, un véritable petit chemin de cailloux, répond Raine.

-       Peu importe, dis-je alors. Nous ne pouvons pas faire marche arrière, de toute manière, nous n’emprunterons pas la voie des mers.

-       Par où irons-nous ? Sous l’eau ? Se moque Raine.

-       Non, sourit Lillyan, par les airs.

-       De vieux amis, dis-je partageant un regard complice avec Lillyan.

 

Vous l’avez sans doute deviné, Anemos et Gahila vont vite nous rejoindre avec leurs deux fils qui ont bien grandi depuis le temps. Ils viendront la nuit prochaine car les nuits de pleine Lune, les Evêques à poil bleu se métamorphosent : ils auront quatre ailes au lieu de deux et iront beaucoup plus vite.

 

Je me garde bien de donner des détails à Amon et Raine, ce n’est pas que je n’ai pas confiance en eux mais…En fait, si, peut-être un peu. A vrai dire, je ne fais confiance à plus personne, j’ai l’impression de ne pouvoir compter que sur Lillyan ces derniers temps. Je me méfie même de mes parents, ce qui est triste. Alors qu’Amon explique sur la carte les emplacements des villes et des côtes trop dangereuses d’Eria, je m’éloigne du groupe. Comme toujours. Je reste près du chariot, sors une couverture que je pose sur le sable et me couche en soupirant de fatigue.

 

Je n’ai jamais vraiment réussi à me faire d’amis, sans doute parce que lorsque j’étais à l’école d’éminence, mon statut de fils de l’Amiral intimidait un peu trop les autres… Non… Je crois que mon caractère insociable remonte à bien plus loin. Déjà enfant, je ne restais qu’avec Lillyan, je n’avais pas besoin des autres tant que j’avais son amour. C’est toujours le cas.

 

Perdu dans mes pensées, mon corps me rattrape et très vite, je sombre dans un sommeil léger, toujours très réactif au moindre bruit, à la moindre aura inhabituelle. Je profite de l’air frais qui vient de la mer.

 

Je me réveille au milieu de la nuit, le feu ne crépite plus mais les braises sont encore chaudes. Je me redresse et sens l’étreinte de Lillyan autour de moi. Enroulé dans sa couverture, il dort paisiblement, je retire son bras lentement pour ne pas le réveiller et m’étire une fois debout. Je retire mes chaussures et laisse mes pieds au contact du sable frais.

 

Je m’écarte du petit groupe qui dort autour du feu moribond, m’approche de la mer et inspire profondément. Je fais craquer mes doigts puis doucement, je remonte des vagues de sables jusqu’à moi, les enroule comme des tornades avant de leur donner une forme presque animale, semblable à un dragon. La gueule ouverte, il plonge jusqu’à moi menaçant mais je le disperse au fur et à mesure qu’il me tombe dessus. Il remonte sous mes pieds comme un grand pilone puis je fais tout retomber d’un seul coup. Je suis échauffé.

 

Avec le contact de mes pieds, je peux sentir toutes les vibrations du sol et étrangement même celles de la mer, où je sens la terre frémissante sous l’eau. Je concentre mon aura sur mes mains, j’essaye de faire monter la terre sous l’eau, elle tremble légèrement et je sens le plateau remonter difficilement jusqu’à la surface. Je serre les dents et concentre un peu plus d’aura, la terre commence à se fissurer. Le bruit est assourdi par la pression de l’eau, les bouts de roche coulent jusqu’au fond. L’eau s’écarte, le plateau apparait.

 

Je relâche, un peu essoufflé. Si je peux sentir la terre sous la mer…Je peux peut-être sentir la terre dans les airs ? Quelle terre y-a-t-il dans les airs ? Je regarde le ciel, la Lune presque pleine me sourit. Bien sûr…La terre de l’espace. Serai-je assez puissant pour atteindre les cieux ? Je ne crois pas…

 

Je retombe sur mes jambes mollement, j’ai l’impression d’avoir atteint mes limites, d’avoir touché un plafond que je n’arrive pas à dépasser. Ça me frustre de jour en jour alors que Lillyan s’entraîne sans relâche et gagne un peu plus de puissance chaque jour. Moi, je suis arrivé au bout de mes capacités, il me reste cet horrible pouvoir d’illusion mais il suffit juste de le maîtriser, il ne peut pas évoluer.

 

Désespéré, je sens une pression inconnue sur mon cœur, l’impuissance me submerge : je me sens si faible et inutile. Ce Koryu ne me sert à rien, je serai incapable de tuer l’Oracle. Le pire, c’est que si les théories de Lillyan se confirment, il existerait dans ce monde d’autre réincarnations divines, des êtres sans doute bien plus forts que  nous. J’ai peur pour l’avenir.

 

-       Tu réfléchis trop Shin…

-       Lillyan ?

Il me sourit tendrement, encore un peu endormi et vient s’asseoir près de moi.

 

-       Arrête de t’en faire tout le temps, ca te vieillit, dit-il en se moquant.

-       C’est normal de s’inquiéter quand je sais ce qui nous attend. On ne va pas affronter n’importe qui, on parle de l’Oracle. L’homme le plus craint au monde, le plus puissant !

-       Mais nous sommes les héritiers de Koryu.

-       Oui mais c’est Koryu qui fait de l’Oracle l’Oracle… Alors comment peut-il être encore si puissant ?

-       Je ne sais pas…Je t’avoue que je suis perdu et que je ne comprends rien. La seule chose dont nous sommes sûrs, c’est que nous sommes les seuls capables de l’arrêter.

-       Alors il ne faut pas baisser les bras, dis-je en rapprochant mes jambes de mon corps.

-       Jamais.

 

Il pose sa tête sur mon épaule, l’aurore va bientôt nous émerveiller en sentant de plus en plus le poids de la responsabilité sur nos frêles épaules.

 

 

 

Par Danouch - Publié dans : Agora - Communauté : Auteurs Sadiques
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L
a meilleure façon de remercier un auteur
 
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est de lui laisser un commentaire  ^^




 
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