World-and-Yaoi
Le général arque un sourire, il ne semble pas étonné, il savait que j’allais aborder le sujet avec lui puisque nous sommes perdus dans les méandres des hypothèses et suppositions.
- Que savez-vous sur la légende du dragon blanc ? Je demande
Le général garde le sourire.
- Des choses, certaines sont ridicules et d’autres plus intéressantes. Dit il
Nous nous fixons du regard comme si nous livrons un duel silencieux. Il n’y a pourtant aucune animosité et je me méfie. Depuis que le doute s’est immiscé en moi, depuis la révélation de Raine, j’ai l’impression de m’approcher du but et que tout le monde le sait au fond. Nous scrutant dans notre dos attendant que la vérité soi dite de vive voix. D’un autre côté, nous n’avons aucune certitude.
- Je sais que Lillyan est celui dont parle la légende. Il n’y pas de doute. La légende en elle-même ne parle pas de destruction, elle ne parle que de la réincarnation du dieu en un être divin. Cependant les dires du peuple des Chutes rapides ont fait le tour de la population, tel un téléphone arabe tout s’est déformé mais les plus grands stratèges de la nation connaissent la vérité. L’homme aux yeux blancs, l’homme qui apporte la destruction avec lui. L’homme en qui le dieu s’est réincarné. Ce que je ne sais pas, c’est pourquoi Lillyan n’est pas totalement possédé…
- Il peut le devenir. Dis je. Il n’a qu’une moitié de l’esprit de Koryu, ce qui lui permet de garder un certain contrôle mais cela n’empêche pas que l’esprit d’un dieu, même divisé, reste dominant sur l’esprit humain.
- Divisé ? Je comprends mieux maintenant pourquoi vous êtes si différent. L’exact opposé de l’autre. Des cheveux blancs, des cheveux noirs. Maintenant que j’y pense, c’est presque flagrant.
- Vous avez vite compris, sourit Lillyan.
- Ne nous faites pas croire que vous ne le saviez pas.
Le général semble prit sur le fait, il rit avant de s’asseoir à même le tatami, il inspire profondément avant de nous inviter à le rejoindre.
- J’ai écouté aux portes, dit-il, vous devriez ne pas trop parler de ça lorsque vous êtes dans une base militaire.
Il a donc tout entendu, je m’en doute de toute façon. Il reste le général de Maru, il ne peut pas laisser deux Agoriens dont l’un fait l’objet d’une légende monstrueuse, sans surveillance. Quelle surveillance plus efficace que celle exercée par lui-même ? Lillyan l’avait tout de suite pressenti, surement parce qu’il lit dans les pensées.
- Vous vous êtes donc empressé à la bibliothèque royale au palais où vous avez chercher dans la salle des livres interdits, commence Lillyan pour lui
- Exactement. Saviez-vous que les shamans écrivaient toutes leurs prophétie sur des feuilles de Calmidus ? Cet arbre immense qui n’existe qu’au fin fond de la forêt de Maru, proche du lac Céleste. Elles ne commentent pas leur dires en revanche, j’ai même mis un certain temps à les déchiffrer car c’est assez complexe, c’est écrit dans leur langue étrange, la langue du peuple des Chutes rapide. Il y est fait référence de toutes vos trouvailles, ainsi que celle de votre jeune Androgyne, l’Oracle est le mal sans le mal. En fait, se savoir fragile et vulnérable l’a rendu fou, il est possédé par l’esprit de son pouvoir.
- Comment est-ce possible ? Dis je surpris.
- Quel esprit cela peut il bien être ? Demande Lillyan
- L’esprit du pouvoir absolu, lorsque le bien ne rencontre pas d’équivalent, il devient tyrannique surtout lorsqu’il découvre qu’il risque de s’éteindre. Il est devenu incontrôlable et paranoïaque.
- Ca, on l’avait compris, reprend Lillyan, ce que j’aimerai savoir, c’est le moyen d’y mettre fin ?
- Il faudrait que les hôtes des deux esprits meurent pour s’unir à nouveau, c’est la seule hypothèse que je vois. Nous dit le général.
- Je ne pense pas, dis-je soucieux, Nala ne m’a pas parlé de mort ni de solution logique. Elle m’a dit que l’Oracle n’était plus l’Oracle…Ce qui veut dire qu’actuellement, il n’est qu’un dieu qu’il faut éradiquer, sans Koryu, il perd de la puissance.
- Et nous ? Comme tu l’as dit, le dieu du mal peut prendre possession de nous ! S’exclame Lillyan
- Vous devez vous rendre à Eria.
- Eria ? Nous nous exclamons en même temps.
- Vous irez voir le maître Zephilis. C’est le plus grand mage qui soit, spécialiste dans l’incantation des esprits, il vous apprendra à le maîtriser.
- Maîtriser un dieu ? S’empêche de rire Lillyan. Je ne veux pas vous offenser mais ça me paraît un peu utopique.
- Ecoute-moi bien, petit Lillyan. Tu es un Manipulateur de Corps, n’est-ce pas ? Alors il existe un esprit de ton pouvoir, avec une volonté propre qui sommeille en toi et selon la puissance de ce pouvoir, il a plus ou moins de poids. Toute personne doit un jour apprendre à maîtriser cet esprit auquel cas tu disparaîtrais et un monstre jaillira de toi. Vous avez tous appris à l’école d’Eminence comment contenir ce flux d’aura, cet esprit qui s’agite. Il va falloir maintenant s’unir avec et communiquer.
- Communiquer avec un esprit ? Je m’étonne.
- Sachant que votre pouvoir découle lui-même d’un dieu, ça sera un peu plus compliqué. Il faut des années à un homme pour communiquer avec son esprit. Certains n’y parviennent pas et le bride, comme l’Amiral Mauran, d’autres deviennent maître en trouvant le réel but de son pouvoir comme maître Zenon.
- Je ne comprends pas en quoi ça va nous avancer, dis-je en pleine réflexion.
- Ni toi ni moi n’avons de réponse. Mais Koryu doit surement en avoir, tu ne penses pas ? Il va falloir trouver un moyen pour communiquer avec lui au plus vite. Une fois que vous aurez communiqué avec lui, vous pourrez vous perfectionner et ainsi détruire l’Oracle.
Nous restions silencieux un instant, perdus et à la fois plus éclairés. Nous étions alors bien le seul moyen de destruction à l’Oracle mais une fois qu’il sera mort, qui deviendra l’Oracle ? Car sa prochaine réincarnation ne possédera pas Koryu si nous ne mourrons pas également. Alors que je me perdais dans mes pensées, un faible tremblement me fait revenir sur terre, ni le général ni Lillyan ne semblent l’avoir remarqué. Je me redresse vivement, sentant tous les pas précipités martelés le sol non loin d’ici.
Soudainement le bruit d’une explosion les fait sursauter, sans plus attendre nous partons en courant jusqu’à l’extérieur. Une épaisse fumée recouvre les remparts est, c’est une attaque militaire.
- Lillyan ! Hurle le général.
Je me retourne et voit qu’il lui jette une épée à la lame aussi noire que mes yeux. Lillyan la regarde intensément ne comprenant pas tellement mais se fait vite aspiré par l’aura que dégage l’épée, une aura si suave qu’elle me touche au plus profond de mon cœur et fait à la fois vibrer la moindre parcelle de mon cœur. Une puissance immense se dégage de cette épée.
- C’est une épée forgée par mon père, affirme Lillyan.
- Il me la laissé ici pour toi.
- HEIN ? Mon père est venu ici ?
- Un peu avant que tu n’arrives, il m’a laissé cette épée en me disant de te la donner.
Comment aurait-il fait ? Nous sommes partis avant lui ? Sacré maître Zenon, il garde le mystère pour lui seul.
- Il l’a forgée avec toute la force de son pouvoir. Elle te servira.
Lillyan le remercie et remplace sa vieille épée par la neuve, le bruit de la lame dans le fourreau me fait frémir. Je me concentre à nouveau sur la bataille qui fait rage, les artilleurs envoient des boulets enflammés contre le rempart pour le faire céder. Les mages de Maru tentent de protéger la porte avec un chant céleste qui crée une barrière magnétique. Malheureusement, quelques boulets arrivent à pénétrer et détruire la barrière pour s’écraser violemment contre le sol. La population, affolée, se réfugie chez elle, les hommes sortent tous armés pour se préparer à accueillir l’envahisseur. Je ne sais pas pourquoi mais cette bataille à avoir avec notre présence, je le sens.
- Suis-moi ! Je m’écrie vers Lillyan.
Nous courrons jusqu’aux forces armées dirigées par le général, les troupes se mettent en place et s’organisent peu à peu malgré la surprise, les premières lignes de guerriers - habitants - se regroupent et derrière, les soldats sont prêts, mieux armés pour lancer une plus grosse offensive. J’ai toujours trouvé que la stratégie de Maru était cruelle, mettre deux lignes de « bouclier humain » avant de s’abattre sur l’ennemi. Ces hommes sont là uniquement pour mourir, aveuglés par leur fidélité à un seigneur réfugié dans son palais.
Lillyan serre les poings, je le sens bouillir juste derrière moi, il tente de se contenir mais son aura est à deux doigts d’exploser, il dégaine son épée et se poste devant la ligne des habitants. Je souris malgré moi, fier au fond de mon cœur d’avoir un tel homme pour amant, je me positionne à ses côtés, prêt à combattre. Nous devons bien ça au général. Quelques secondes plus tard, Lillyan me fait signe de me retourner, Raine est dans la ligne de mages résistant aux attaques avec la barrière qui ne va pas tarder à céder. Je n’aurai pas dû douter de lui, au fond, il est aussi recherché que nous.
Les portes tremblent, le sol gronde et les bruits de l’armée de l’autre rive ressemblent au rugissement d’un monstre. Je ne m’étais jamais battu contre une armée entière mais maintenant que j’y suis, tous mes sens sont en alerte, mon cœur palpite et mon âme entière s’agite. Plus excité que jamais, c’était pour cette raison que je voulais rentrer dans l’armée pour ressentir cette sensation, la sensation de combattre pour la justice.
La porte explose, sous nos yeux, les débris volent autour de nous et écrasent quelques hommes pas assez vifs, les soldats jaillissent de tous les sens, leurs armures agoriennes me confortent dans mon idée. Ils sont venus nous chercher et bien, ils vont être gâtés.
Lillyan s’élance contre les soldats, fluide et rapide, tranche et découpe, les membres volent et le sang gicle. Je soulève des amas de terre, j’étouffe, j’engloutis. C’est un spectacle.
Un homme fonce droit sur moi, l’épée tenue en l’air prêt à me trancher à la verticale, je me déplace légèrement sur la droite, dos à lui, je bouge le bras et me retourne pour l’embrocher sur une racine. Derrière moi, le vent siffle, je me retourne, j’arrête la flèche juste à temps, dégoulinante de poison, je la tiens entre mes deux yeux. L’archer plus loin me regarde, je le sens trembler, mon aura fait rage et couvre presque celles qui m’entourent. Je fais monter de la boue que je modèle dans la forme d’un arc, je reprends la flèche qui a voulu m’assassiner. L’archer commence à s’enfuir mais elle siffle tellement rapidement qu’elle se plante silencieusement dans son dos pour l’accompagner jusqu’au sol poussiéreux.
Je récupère une épée sur un corps moribond et l’arrache de la chair, je danse à mon tour comme Lillyan, alternant coupe et écrasement par la pierre. Je les bloque puis les tranche en deux, je les enterre pour ensuite les laisser se faire écraser par leurs compagnons.
Brusquement, on apparait devant moi, le visage caché et les mains bandées, des épées ondulantes comme des vagues. Un mercenaire d’Agora, son aura me semble familière. Je m’écarte avant que son épée ne m’éventre, il a eu malheureusement le temps de découper ma nouvelle tunique made in Maru. Il me toise, imperturbable, je connais cette prestance. Petit mais rapide, il revient à l’assaut presque invisible, les mercenaires d’Agora ont cette faculté d’être très vifs, ils sont si rapides qu’ils brisent parfois le mur du son. Cependant, ils sont nuls quand il s’agit de dissimuler leur aura, experts en combats rapprochés et en torture. J’évite tous ses pièges, ses longs coups de lame marquant presque sa trace à quelques centimètres de moi. Je me défends mais je n’attaque pas, je n’en ai pas la temps, il me faut trouver la bonne parade.
L’ouverture ! Ca y est ! J’arrête son bras dans l’élan, je sens son autre épée siffler contre ma hanche prête à me trancher en deux mais je saute et je prends appuie contre son corps, tenant toujours son bras, je ne le relâche que lorsque j’effectue une pirouette en arrière. La force du coup l’envoie à quelques mètres plus loin, creusant le sol sur son passage, tel un boulet de canon, il renverse quelques soldats sur son passage. Je reprends l’épée qui j’ai laissée tomber et j’attends son nouvel assaut.
Concentré sur mon unique ennemi, potentiellement fort, je ne pressens pas le Judas qui veut me trancher par derrière, une petite lame au son qu’elle fait. Je ne le comprends que lorsque je sens son souffle dans ma nuque. Au loin, le mercenaire se relève, je suis bloqué. Rapidement, j’esquive l’autre mercenaire derrière moi, je tiens son bras et pare avec mon autre main l’attaque du premier mercenaire. Je recule d’un bond en arrière pour faire face à deux adversaires. Sans attendre qu’ils se décident, je fais monter des roches et les envoie chacun leur tour contre eux, une petite tornade de cailloux m’entoure comme un bouclier. Je prévois leur esquive en l’air, je fais monter en même temps deux racines qui s’accrochent à leur pied, l’un deux arrive à la couper mais l’autre ne la sent pas. J’écrase le mercenaire contre le sol à plusieurs reprises, comme un vulgaire jouet tiré par une corde. Je retiens l’autre avec l’épée. Ses petits couteaux sont si proches de mon front en sueur.
Je le repousse, avec difficulté mais il revient immédiatement, je comprends sa technique, et recule en tirant avec moi celui qui est accroché à la racine. Le visage trainé sur le sol, il hurle pendant que l’autre me suit comme un serpent.
Le survivant sort plusieurs petits couteaux, il les lance contre moi, je les arrête tous avec mon épée et glisse jusqu’à lui. Deux blocs de terre remontent à chaque flanc de mon ennemi mais il est concentré sur mon attaque frontale. Il ressent la lourde présence des blocs et détourne maintenant le regard de moi. Je souris victorieusement et l’embroche. Ses mains de part et d’autre mon épée, ses yeux écarquillés, je retire la lame poussant son corps avec mon pieds.
Le sang sur mes mains est mélangé à la poussière, je tourne le regard vers celui qui est accroché à ma racine mais son corps n’y est plus. Surpris, je regarde tout autour de moi et l’aperçois au loin plongeant sur Lillyan qui se bat avec un capitaine.
Mon cœur manque un battement, je me téléporte presque jusqu’à lui mais je suis arrêté par le tranchement net de l’épée de mon amant. Il a eu le temps de le sentir, de tenir à distance le capitaine et de fendre le corps du mercenaire en deux qui tombe en poussière. Je reste stupéfait, se pourrait-il qu’il soit…non, c’est impossible…Le mercenaire de la forêt ? Il avait été tellement carbonisé qu’il n’aurait pas pu avoir survécu. Lillyan est perplexe également, je lance un piquet de terre se planter dans le crâne du capitaine qui allait le tuer dans le dos. Il se retourne puis remarque que j’en suis l’auteur, je m’approche de lui toujours surpris.
- C’est impossible, il murmure du bout des lèvres
- Non…pas si on le régénère.
- Mais…Seul l’Oracle peut faire ça.
- Il n’est pas loin alors.
Nous n’avons pas le temps de regarder autour que nous sommes déjà assaillis par les nombreux fous qui foncent tête baissée, cette fois, nous nous battons ensemble. Coordonnant nos pas sur l’autre, calquant nos deux rythmes presque à l’identique et à la fois complémentaire. Lillyan entoure son épée d’un halo d’électricité et peut lancer des rayons sur quiconque, proche ou éloigné. Je dresse les murs de terre, je les emporte avec de longs colliers d’argile. C’est un vrai délice de se battre à ses côtés, un cercle se forme peu à peu autour de nous, les soldats évitent de s’approcher mais nous n’hésitons pas à les massacrer comme de vulgaires jouets. Nos auras respectives alertent les grands généraux qui se battaient, même les mages qui récitent leurs incantations sont surpris.
A nous deux, nous faisons une guerre et je peux sentir les yeux fins et perfides de l’Oracle, je sens sa présence dans mon dos comme un dieu tout puissant. Sa nonchalance royale, son esprit au dessus de tout, nous sommes dans sa paume et il sourit malgré lui de voir des auras aussi meurtrières au centre de son jeu.
Un être puissant fuse droit sur nous, Lillyan le ressent juste avant moi et me protège en arrêtant son épée juste en face de moi. Les deux âmes se livrent un duel dans un seul regard, le couinement des lames laisse entrevoir leur puissance et les auras explosent soudainement autour d’eux balayant les plus faibles. La terre tremble et se creuse sous la pression.
- Général Solon…Il va falloir m’expliquer… dit Lillyan entre ses dents.
- Je suis général depuis bien trop longtemps, je devais prendre ma retraite bien méritée !
- Vous avez trahi votre roi ! Vous avez prévenu l’Oracle de notre emplacement ! Je m’exclame.
- Et j’ai livré un autre traître, dit-il en regardant Lillyan au plus profond de ses yeux.
Un sourire sadique s’étire sur son visage alors que celui de Lillyan se déformait sous la consternation, ses pupilles se dilatent alors que je peux entendre les battements de son cœur.
- Crois-tu que j’aurai laissé filer ton père ainsi ?
Mon cœur s’arrête de battre alors que j’imagine le visage de maître Zenon, confiant devant son ami d’arme. Je pressens l’apocalypse, les yeux de Lillyan sont noyés de souvenir et de haine, son aura tourbillonne étrangement, ses lèvres s’écartent presque au ralenti, retenant son cri jusqu’au bout.