World-and-Yaoi

Nous exploitons ces quelques jours de tranquillité pour nous détendre, nous entraîner et profiter l’un de l’autre. Comme en ce moment où je suis tranquillement allongé contre Shin, le serrant dans mes bras, alors qu’il était tout endormi. C’est dans ces moments-là, je me sens vraiment bien, en paix avec moi-même et je fusille du regard la moindre personne qui ose s’approcher de lui. Il gigote dans son sommeil et se serre un peu plus contre moi.

- Tu ne dors toujours pas ?

- Non, je n’ai pas sommeil, je mens.

- Tu fais encore tes cauchemars ?

- Désolé mais je n’arrive pas à penser à autre chose.

- Ne t’excuse pas, je comprends, me rassure-t-il, compréhensif.

- Non, c’est nul, faut que je m’y fasse, je vais pas rester coincé sur un truc comme ça.

- Lillyan, tu as été le premier homme d’Agora à avoir été exilé depuis des années et ça s’est passé d’une manière brutale. C’est normal que tu sois encore sous le choc.

- Je sais pas, j’ai l’impression d’être faible à ressasser et ça tourne au cercle vicieux parce que je me dis que papa m’aurait désapprouvé et du coup, je pense à lui et…

- Lillyan, m’arrête-t-il. Hier, tu as gardé la tête froide et ainsi pu sauver la caravane, l’autre jour, tu t’es battu pour me protéger. Tu n’es pas faible : dans les moments les plus difficiles, tu sais faire face à la situation et sauver les gens. Alors, cesse de te tourmenter et accepte-toi.

- Comment ça ?

- J’ai l’impression que tu te rejettes à cause de ton exil, que tu as voulu me protéger pour me prouver que tu pouvais encore te montrer utile. Pour moi, tu n’as pas changé, tu restes mon meilleur ami et amant.

Je resserre mon étreinte et il répond à la mienne en venant m’embrasser. Ses lèvres douces se posent avant de laisser sa langue chaude s’enrouler autour de la mienne.

 

- Dors, c’est moi qui veillerai sur toi, reprend-il alors qu’il m’allonge sur la paillasse et se met à masser mon crâne.

Je me laisse aller sous ses caresses et je m’endors.

 

Je me lève tard le lendemain matin, n’ayant pas dormi aussi bien depuis longtemps. La caravane s’est arrêtée au bord d’un lac, dernier point d’approvisionnement en eau avant d’arriver au prochain village. Je rejoins Shin et Raine qui discutaient assis sur le tronc d’un arbre.

- Voilà le gros dormeur.

- Salut, dis-je.

Shin me donne à manger et je me joins à leur conversation.

- Tu veux nous accompagner ? Je m’étonne. Nous ne sommes pas vraiment les meilleurs gardes du corps que tu puisses vouloir.

- Détrompe-toi, vous êtes vraiment balèzes tous les deux quand je vous vois vous entraîner. Mais c’est surtout que ma présence au sein de cette caravane met les marchands en péril.

- Je crois qu’on a suffisamment de nous deux à gérer contre l’empire, je remarque.

- Bof, un de plus ou un de moins, ça peut pas vraiment faire de différence et je pourrai peut-être vous être utile.

- En quoi ?

- Par exemple, je suis incapable de me perdre une fois que je connais la destination. Et en partant avec moi, je suis sûr que les marchands vous donneront de quoi acheter des vivres au prochain village.

- Je vote pour ! Je m’exclame.

- Lillyan ! S’exaspère Shin.

- Ben quoi ? Je réponds, innocemment.

Il se contente de lever les yeux au ciel en se plaquant la main contre son front.

 

La caravane reprend la route et Shin s’assit à côté de moi tandis que je mène notre roulotte. Il pose sa tête contre mon épaule, je sens qu’il a des reproches à me faire.

- Tu aurais pu me demander mon avis avant d’accepter.

- Il est digne de confiance et franchement, nous ne serons pas trop de trois si nous devons affronter mon père.

- Lillyan…

- Ne t’inquiètes pas, je n’ai pas oublié ce que tu m’as dit hier soir, je parle objectivement.

- Mmmmmmh, je suppose que tu as raison. Mais peut-être aurons-nous eu le temps d’enlever ta marque et alors nous ne serons plus obligés de l’affronter.

- Je ne sais pas.

 

Au fur et à mesure que nous progressons, je sens mon malaise s’amplifier. Tout est bien trop calme, silencieux. Le changement est radical par rapport à la fureur que nous a fait vivre la nature ces derniers jours mais l’absence totale d’être humain me déstabilise. Certes, j’ai l’habitude de vivre dans la forêt mais je n’y ai jamais passé plus de deux jours entiers. Surtout que j’étais censé être traqué par des mercenaires de l’empire.

 

- Tout va bien, Lillyan, tu as oublié à quel point la nature pouvait être paisible ? Me demande Shin, taquin.

- Mmmmmmmh.

 

Le voyage fut des plus tranquilles et reposant. C’est vrai que ces derniers jours, tout s’était précipité et c’était sûrement pour cette raison que je n’avais pas réussi à me calmer.

 

Je partage ma dernière nuit d’intimité et de tranquillité avec Shin avec la ferme intention d’en profiter car dès demain, Raine voyagera avec nous, et c’est après une nuit endiablée que je retrouve le sourire.

- Toujours la même chose, hein ? Ah là là, et moi qui croyais que tu étais en perte d’identité alors que tu étais juste en manque de sexe.

Aucune réplique décente ne me vient à l’esprit et je l’embrasser pour le faire taire.

L’avoir près de moi, c’est tout ce dont j’avais besoin.

 

Le lendemain, nous atteignons le village en fin de journée. La caravane reste en retrait de la ville mais le chef et Raine nous accompagnent pour parler au maire tandis que nous allons explorer le village après avoir aidé à desseller les chevaux et installé le campement.

 

La journée avait bien avancé et le village, bien que petit, fourmillait d’activité : les pères rentrent des champs après une dure journée de travail, les bambins courent dans leur direction en se faisant rappeler vainement par leur mère. Mais leur regard nous rendait mal à l’aise mais ça devait être normal : après tout, c’était la première fois que j’entrais sur une terre étrangère.

- Restez prudents, nous prévient le chef, partez en reconnaissance et essayez de discuter avec les villageois.

Nous fîmes le tour rapidement, il ne devait pas y avoir plus d’une trentaine d’habitations. Il n’y a pas d’auberge ni de marchands d’armes, la seule boutique du village est tenue par l’herboriste du village. Nous entrons.

- Bonjour, lance Shin.

La commerçante nous jette un regard soupçonneux mais reste polie.

- Que puis-je pour vous ?

- Et bien, nous venons d’arriver dans votre village après plusieurs jours de route et nous voudrions savoir s’il y avait une auberge dans le coin.

- Y a pas vraiment d’auberge mais vous pouvez demander au vieux Miarty. Il a toujours de la place chez lui.

- Où est-ce ?

- La troisième maison sur votre droite en partant d’ici. C’est pas difficile à trouver, c’est toujours bruyant de monde.

- Très bien, merci.

Quelques secondes plus tard, nous frappions à la porte de ce fameux Miarty. L’ambiance est effectivement au rendez-vous avec pas moins d’une vingtaine de clients qui hurlent, dansent et crient. Mais lorsque nous nous joignons à la fête, encore une fois, les regards deviennent soupçonneux.

- Oui, c’est chez moi, nous répond le petit homme bourru sur un ton jovial au crâne chauve. C’est pourquoi ?

- Juste boire un verre, sourit Shin.

- Ah, vous venez de loin, vous ! Allez, rester pour la nuit, ça vous fera du bien ! Le prochain village est à une semaine de marche.

- Une semaine ? Rouspète Shin. C’est vraiment tentant mais nous n’avons pas les moyens. 

- Faites pas de manière, c’est pas une auberge ici. Vous payerez en vous rendant utiles.

- D’accord, nous acceptons. Nous allons chercher un ami.

- Allez-y, plus on est de fous, plus on rit !

 

Nous partons avec le sourire et retournons au campement et profitons des deux dernières heures pour discuter argent. Le vieux marchand tient à tout prix à nous remercier de les avoir sauvés l’autre jour et de prendre Raine avec nous et bien que la somme soit plus que généreuse, au regard du peu que nous avons fait, mais nous acceptons avec bon cœur, sachant ce qui nous attendait.

 

Nous retournons chez Miarty en discutant tranquillement et notre surprise est grande de constater que, une fois sur place, nous sommes cernés par les mêmes gens qui faisaient la fête un peu plus tôt.

 

Pourquoi mon don de télépathie ne m’a-t-il pas averti ? Peut-être parce qu’alors, aucune intention malveillante ne les animait et que du coup, j’ai baissé ma vigilance.

- Des cheveux bruns et des yeux blancs ! S’exclame l’un des leurs.

- Je te l’avais dit que c’était lui, l’affreuse créature sauvage qui sème la mort partout où il passe.

- Mais il n’est pas seul ! Que fait-on des deux autres ?!

- On s’en fout ! C’est sa tête qui est mise à prix ! Emparez-vous de lui, les gars.

 

Nous avons beau être balèzes, désarmés et pris par surprise, contre une vingtaine de gars, armés jusqu’aux dents et musclés par les travaux des champs, la situation est trop inégale. Ce n’est pas du tout la même que contre ces misérables bandits de grand chemin.

 

Je me retourne vivement pour voir que la porte est bloquée par quatre types. Ils se lancent alors sur nous telle une meute de chiens enragés avec l’intention de m’assommer. Mes réflexes reprennent le dessus mais leur nombre leur permet de nous surpasser.

 

Alors que nous sommes acculés et que Shin tombe à terre, mon instinct se réveille. Je sais ce que ça signifie et même si ça me fait peur, je ne peux pas les laisser nous capturer et ramener Shin à l’Oracle. Il n’a pas le temps de se concentrer pour utiliser ses pouvoirs et il n’a d’ailleurs pas assez d’espace ni de matière première. Raine, quant à lui, fait ce qu’il peut pour éviter les coups et je ne connais pas l’étendue de ses pouvoirs.

 

Je libère ma colère, mon sang bouillonne et frémit d’excitation d’avoir trouvé sa proie. Soudain, le type qui allait m’assommer se retourne contre ses compagnons d’arme et très vite, le combat tourne en véritable bazar.

 

Quelque chose en moi s’agite et frôle ma conscience, c’est la première fois que j’utilise mon pouvoir de sang froid et même s’il s’agit d’une situation d’urgence, cela me terrifie de voir à quel point manipuler un être humain est si facile et tellement ravageur.

 

Mes pantins commencent à s’entretuer, après avoir mis à terre leurs compagnons. C’est l’horreur mais je ne sais pas comment arrêter. Je commence à paniquer, je tremble, je les implore d’arrêter. Je me mets à crier.

 

Shin me rejoint rapidement et à peine me touche-t-il le bras que sa chaleur se répand en moi et me calme. Je recherche cette source d’énergie que j’avais sentie un instant plus tôt, me concentre sur elle pour la faire diminuer d’intensité. Progressivement, un à un, mes pantins retrouvent leur propre volonté et je m’affaisse lourdement sur le sol, épuisé.

 

Shin se penche sur Miarty, bouillant de colère.

- C’est comme ça qu’on accueille les étrangers chez vous ?

- Ton pote est un criminel recherché par tout l’empire, crache-t-il.

- Et donc, vous pensiez pouvoir nous faire face avec vos capacités ridicules

- La prime avait de quoi nous faire rêver et puis, ajoute-t-il en souriant, nous avons rempli notre rôle.

- C’est-à-dire ?

- Vous ralentir, conclut-il, en gardant son sourire sadique.

- Shinrei, dépêche-toi ! S’écrie Raine en me soulevant. Nous devons partir d’ici.

 

Nous sortons tant bien que mal et malgré mon épuisement, j’arrive à courir à leur vitesse. Raine se place soudain devant nous. Une seconde plus tard, des fléchettes se cognent contre un mur invisible.

 

La douleur explose dans mon crâne en une seconde, elle est tellement atroce qu’elle fait fléchir mes jambes et je m’écroule.

- Lillyan ! S’exclame Shin.

- Il a été touché ? S’inquiète Raine.

- Non… C’est…

- Zenon, murmure Shin.

Mon corps est secoué de spasmes, mon sang bouillonne dans mes veines, je suffoque et je lutte à chaque respiration. Je lutte pour rester conscient mais je ne peux rien faire. La douleur annihile toute réflexion et écrasé par la douleur, je tourne la tête pour voir mon père s’approcher inexorablement de moi. Plus il réduit la distance plus la douleur s’amplifie. Je hurle alors que j’ai l’impression que mon crâne cède.

 

- C’est tout ce que vous êtes capables de faire ? Dit-il sur un ton menaçant. Vous n’êtes même pas capables de vous débrouiller seuls que vous vous faîtes capturer au premier village venu ?

- Vous ne passerez pas ma barrière ! S’emporte Raine.

- Sache, misérable ver de terre, que ta barrière est loin de valoir ma force. Mais ce n’est pas toi qui m’intéresses. Donne-moi Lillyan et vous repartirez sans plus de séquelles.

- Les années ont passé mais vous êtes restés ces brutes sauvages assoiffées de sang qui exile l’un des leurs pour ensuite leur donner la chasse. Même les animaux ont le respect de la famille !

Raine se défend comme il peut mais je sens que sa défense faiblit de plus en plus. Il résiste mais il ne fait pas le poids face à mon père. Tout ce qui va se passer, c’est que Shin finira par tomber entre les mains des mercenaires et sera ramené à l’Oracle. Et je ne veux plus perdre un être cher.

 

Je tente de me relever. Les parois de mon crâne vibrent sous l’effet de la douleur, je vomis, je crache du sang. Je continue et je sors de la barrière pour rejoindre les mercenaires. Mais à peine ai-je fait un pas hors de la protection magique de Raine que je m’écroule. Les cris de désespoir de Shin atteignent vaguement ma conscience et je murmure son prénom pour me donner courage.

 

La main calleuse de mon père se pose sur mon front et je laisse échapper une larme.

- Papa…

- Dors, Lillyan, ce sera bientôt fini.

Bientôt fini, oui… Mais moi, je n’avais pas envie…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Lun 12 jui 2010 1 commentaire

Aah, c'est malin de terminer le chapitre à cet endroit!! Je vais devoir patienter pour la suite, c'est atroce!! C'est sadique!!!^_^ Merci beaucoup, tout au long de l'histoire, je trouve qu'il y a de jolies scènes de combat, courtes, mais intenses!! Bisous, à très vite pour la suite!!^_^  

Itoshiki - le 13/07/2010 à 22h48

c'est tout moi !

xD

merci à toi

D***